mardi 27 décembre 2011

Gu Cheng - Je suis un enfant coléreux

我是一个任性的孩子


也许
我是被妈妈宠坏的孩子
我任性

我希望
每一个时刻
都像彩色蜡笔那样美丽
我希望
能在心爱的白纸上画画
画出笨拙的自由
画下一只永远不会
流泪的眼睛
一片天空
一片属于天空的羽毛和树叶
一个淡绿的夜晚和苹果

我想画下早晨
画下露水所能看见的微笑
画下所有最年轻的
没有痛苦的爱情
画下想象中
我的爱人
她没有见过阴云
她的眼睛是晴空的颜色
她永远看着我
永远,看着
绝不会忽然掉过头去

我想画下遥远的风景
画下清晰的地平线和水波
画下许许多多快乐的小河
画下丘陵——
长满淡淡的茸毛
我让它们挨得很近
让它们相爱
让每一个默许
每一阵静静的春天的激动
都成为
一朵小花的生日

我还想画下未来
我没见过她,也不可能
但知道她很美
我画下她秋天的风衣
画下那些燃烧的烛火和枫叶
画下许多因为爱她
而熄灭的心
画下婚礼
画下一个个早早醒来的节日——
上面贴着玻璃糖纸
和北方童话的插图

我是一个任性的孩子
我想涂去一切不幸
我想在大地上
画满窗子
让所有习惯黑暗的眼睛
都习惯光明
我想画下风
画下一架比一架更高大的山岭
画下东方民族的渴望
画下大海——
无边无际愉快的声音

最后,在纸角上
我还想画下自己
画下一只树熊
他坐在维多利亚深色的丛林里
坐在安安静静的树枝上
发愣
他没有家
没有一颗留在远处的心
他只有,许许多多
浆果一样的梦
和很大很大的眼睛

我在希望
在想
但不知为什么
我没有领到蜡笔
没有得到一个彩色的时刻
我只有我
我的手指和创痛
只有撕碎那一张张
心爱的白纸
让它们去寻找蝴蝶
让它们从今天消失

我是一个孩子
一个被幻想妈妈宠坏的孩子
我任性

(一九八一年三月)



Je suis un enfant coléreux

Peut être que
Je suis un enfant que sa maman a trop gâté
Je suis coléreux

Je voulais
Que chaque instant
Soit beau comme des crayons de toutes les couleurs
Je voulais
Pouvoir dessiner sur l’adorable feuille blanche
Dessiner l’idiote liberté
Dessiner un œil
Qui jamais ne pleurerait
Et un ciel
Et des plumes et des feuilles sur ce ciel
Un soir glauque et une pomme

Je voulais dessiner l’aube
Dessiner la rosée et les sourires qu’on aperçoit
Dessiner toutes ces enfantines
Amours qui n’ont pas souffert
Dessiner en rêve
Celle que j’aime
Elle n‘a pas vu les nuages sombres
Ses yeux sont clairs comme le ciel
Toujours elle me regarde
Toujours, observe
Sans jamais détourner la tête

Je voulais dessiner des pays lointains
Dessiner des horizons clairs et des vagues
Dessiner tous ces ruisseaux joyeux
Dessiner des collines ---
Couvertes de mousse pâle
Je les aurais serrées
Pour qu’elles s’aiment
Pour que chacune s’abandonne
Que chaque souffle calme du printemps
Devienne
La fête d’une fleur

Je voulais aussi dessiner l’avenir
Je ne l’avais jamais vue, c’était impossible
Mais je savais qu’elle serait belle
Dessiner son manteau d’automne
Dessiner ces bougies ces érables en feu
Dessiner des cœurs
Par son amour éteints
Dessiner des mariages
Dessiner toutes ces fêtes levées de bon matin --
Et coller dessus des papiers de bonbons
Et des illustrations de contes pour enfants

Je suis un enfant coléreux
Et j’ai voulu tout raturer
Je voulais partout sur la terre
Dessiner des fenêtres
Pour que les yeux accoutumés à l’ombre
S’habituent à la lumière
Je voulais dessiner le vent
Dessiner les crêtes des montagnes toujours plus hautes
Dessiner la soif des peuples de l’orient
Dessiner l’océan
Et le chant infini du bonheur

Enfin, au coin de la feuille
Je voulais me dessiner aussi
Dessiner un ours dans les arbres
Dans la jungle sombre de Victoria
Rêvant
Sans maison
Sans cœur abandonné au loin
Avec seulement, tout plein
De rêves comme des baies
Et d’immenses yeux

Je voulais encore
Voulais
Mais je ne sais pas pourquoi
Je n’ai pas reçu de crayons
Pas eu d’instant de toutes les couleurs
Je n’ai eu que moi
Avec mes doigts et mes douleurs
Que ces feuilles déchirées
Adorables et blanches
Parties chasser les papillons
Evanouies dans le présent

Je suis un enfant
Que sa maman rêveuse a trop gâté
Je suis coléreux

(Mars 1981)

mardi 20 décembre 2011

WH Auden - Le plus aimant des deux

Le plus aimant des deux


Regardant les étoiles, je comprends bien
Que de leur point de vue, je ne suis rien
Mais ici bas il n’est guère effrayant
D’être ignoré des bêtes et des gens

Que dirions-nous si les astres brûlaient
D’une passion dont nous ne pouvions mais ?
S’il n’est pas permis de s’apprécier autant
Je préfère des deux être le plus aimant

Amoureux comme je crois l’être
D’étoiles qui s’en moquent peut-être
Saurais-je en les voyant affirmer
Que l’une d’elles aujourd’hui m’a manqué ?

Si toutes les étoiles venaient à mourir
Devant un ciel vide je devrais m’attendrir
Mais pour trouver sublime ce noir intransigeant
Il me faudrait peut être un peu de temps



The more loving one - WH Auden


Looking up at the stars, I know quite well
That, for all they care, I can go to hell,
But on earth indifference is the least
We have to dread from man or beast.

How should we like it were stars to burn
With a passion for us we could not return?
If equal affection cannot be,
Let the more loving one be me.

Admirer as I think I am
Of stars that do not give a damn,
I cannot, now I see them, say
I missed one terribly all day.

Were all stars to disappear or die,
I should learn to look at an empty sky
And feel its total dark sublime,
Though this might take me a little time.

lundi 17 octobre 2011

Huang Guang Dao - Imaginer autre chose

想象另一种可能


在是与非之间
我们需要一万次穿越盛开的蜂巢

聆听开花时
虚妄的词语落下来

就在此刻
当光被再一次提及

鸟群
成为虚无的排列

静止在高空
所有鸟儿都是白色的

有如苦痛之时
一根带血的刺虚晃了一下

Imaginer autre chose

Entre le vrai et le faux
Nous devons mille fois traverser cette ruche en fleurs

On les entend s’épanouir
Et les mots fabriqués s’effondrent

A cet instant
Où la lumière est encore évoquée

Un vol d’oiseaux
Devient l’ordre du néant

Immobiles au firmament
Tous les oiseaux sont blancs

Comme dans la douleur
Une épine sanglante
      Qui feinte

vendredi 14 octobre 2011

Duo Yu - L'homme à la lampe

提灯人

——献给A

他举着灯,匆匆走在无面孔的人群里
太阳像一束追光,追着他不测的命运
当所有人都看到光明时他却只能看到黑暗
当所有人都替他捏把汗时他却在日落之前
被一把拽进黑暗里……

(2011春夏之交)

L’homme à la lampe
- Pour A

Une lampe à la main, il fend la foule sans visage
Le soleil comme un projecteur, suit son étrange destin
Chacun voit la lumière : lui seul distingue l’ombre
Chacun pour lui retient son souffle : il est là, devant le couchant
Par une main traîné dans l’obscurité….

(2011, printemps, été)



mercredi 7 septembre 2011

Duo Yu - Le bruit d'une porte qu'on frappe

敲门声


风暴正在街上大打出手
冷却塔轰鸣着高温之歌
年青的占星家在为时代推敲命运——
还差一个逗号了——背后传来敲门声
还差一个句号了——敲门声越来越急
还差一声叹息了……敲门者已破门而入。
(2011)

Le bruit d’une porte qu’on frappe

L’orage brutalise la route
La tour de refroidissement crie sa chanson brûlante
Le jeune astrologue médite sur le destin de notre époque -
Il ne manque qu’une virgule -- Derrière, le bruit d’une porte qu’on frappe
Il ne manque qu’un point – Les coups, de plus en plus vite
Il ne manque qu’un soupir… On a enfoncé la porte.
(2011)

vendredi 26 août 2011

Duo Yu - En mémoire

怀念


突然想起那些早逝的诗人
他们的诗集就放在手边
他们的音容还留在记忆里
他们的邮件还躺在信箱里
他们喝过的酒、唱过的歌、骂过的人
还一样清白、愤怒、无耻地活在世上
而他们
也真的跟活着时没什么两样
只是安静了许多
只是不再讲话
而我们这个世界
又多么需要安静一小会儿啊!

(2010冬)

En mémoire

Je me souviens de ces poètes morts trop jeunes
Leurs recueils encore sous la main
Leurs voix encore dans nos esprits
Leur courrier dans la boite aux lettres
Le vin qu’ils ont bu, les airs qu’ils chantèrent, les gens qu’ils maudirent
Toujours innocemment, indignement, insolemment vivants ici bas
Et eux
Pas vraiment différents de quand ils étaient là
Juste un peu plus calmes
Juste ne parlant plus
Et ce monde
Qui aurait tant besoin d’un peu de calme !

(Hiver 2010)



mardi 26 juillet 2011

Mademoiselle Gee - WH Auden

Mademoiselle Gee

Ecoutez la petite histoire
De mademoiselle Edith Gee
Elle habitait Clevedon Terrace
Numéro 66

Elle louchait un peu de l’œil gauche
Ses lèvres étaient menues et fines
Elle avait les épaules étroites et tombantes
Et pas la moindre poitrine

Un chapeau de velours avec des rubans
Un tailleur de serge gris
Elle vivait à Clevedon Terrace
Dans une chambre à petit prix

Un imper mauve quand il pleuvait
Un parapluie vert à emporter
Elle avait un vélo, avec un panier
Et des freins mal réglés

La paroisse Saint Aloysius
Etait juste à côté
Elle y faisait du tricot
Pour la vente de charité

Parfois Mademoiselle Gee interrogeait le ciel
‘Quelqu’un sait il seulement,
Que je vis ici à Clevedon Terrace
Pour cent livres par an ?’

Une nuit elle avait rêvé
Qu’elle était la Reine de France
Et que le curé de Saint Aloysius
Priait sa Majesté de lui accorder cette danse

Mais l’orage emporta le palais
Elle pédalait dans un champ de blé
Et un taureau, le portrait du curé
La chargeait tête baissée

Elle sentait son souffle sur elle
Il allait la rattraper
Et son vélo avançait de moins en moins vite
A cause des freins mal réglés

L’été les arbres étaient comme un tableau
L’hiver les montrait en ruine
Elle allait en vélo à la messe du soir
Boutonnée jusqu’au cou

Elle passe devant les amoureux
En détournant la tête
Elle passe devant les amoureux
Qui ne lui font pas fête

Mademoiselle Gee s’assied dans le transept
Et écoute l’orgue jouer
Et le chœur qui chante si doucement
En cette fin de journée

Mademoiselle Gee s’agenouille dans le transept
Les genoux à même le sol
Ne me soumets pas à la tentation
Mais fais de moi une bonne fille

Les jours et les nuits passent sur elle
Comme les vagues sur une épave en ruine
En vélo elle va jusqu'au dispensaire
Toujours boutonnée jusqu'au cou

En vélo elle va jusqu'au dispensaire
Sonne chez le chirurgien
Docteur, j’ai une douleur à l’intérieur
Et je ne me sens pas bien

Le docteur Thomas l’ausculte
Et l’examine à nouveau
Puis se tournant pour se laver les mains
Dit: 'pourquoi n’êtes vous pas venue plus tôt ?'

Le docteur Thomas est devant son dîner
Alors que sa femme n’a pas encore sonné
Il fait des boulettes avec son pain
Et dit c’est curieux, le cancer

Personne ne sait d’où il vient
Quoi qu’on puisse en dire
Il est comme un assassin
Qui attend son heure

Les femmes sans enfants l’attrapent
Et les hommes à la retraite
Comme s’il était là pour compenser
Quand la création s’arrête

Sa femme appele la bonne et dit
'Tu es morbide, mon chéri'
Il dit 'j’ai vu Mademoiselle Gee ce soir
Et je crois bien qu’elle est finie'

Ils ont emmené Mademoiselle Gee à l’hôpital
Ils l’ont allongée, en ruine
Allongée dans le dortoir des dames
Ses draps remontés jusqu’au cou

Ils l’ont allongée sur la table
Les étudiants ont ri
Et Mr Rose, le chirurgien
A découpé Mademoiselle Gee

Il s’est tourné vers ses étudiants:
'Messieurs, votre attention
On voit rarement une tumeur
De pareilles proportions'

Ils l’ont enlevée de la table
Ont roulé Mademoiselle Gee
Vers un autre service
Celui d’Anatomie

Ils l’ont accrochée au plafond
Mademoiselle Gee, pendue à un clou
Pendant qu’une bande de carabins d’Oxford
Délicatement dissèquait son genou.

 

Miss Gee

Let me tell you a little story
About Miss Edith Gee;
She lived in Clevedon Terrace
At number 83.

She'd a slight squint in her left eye,
Her lips they were thin and small,
She had narrow sloping shoulders
And she had no bust at all.

She'd a velvet hat with trimmings,
And a dark grey serge costume;
She lived in Clevedon Terrace
In a small bed-sitting room.

She'd a purple mac for wet days,
A green umbrella too to take,
She'd a bicycle with shopping basket
And a harsh back-pedal break.

The Church of Saint Aloysius
Was not so very far;
She did a lot of knitting,
Knitting for the Church Bazaar.

Miss Gee looked up at the starlight
And said, 'Does anyone care
That I live on Clevedon Terrace
On one hundred pounds a year?'

She dreamed a dream one evening
That she was the Queen of France
And the Vicar of Saint Aloysius
Asked Her Majesty to dance.

But a storm blew down the palace,
She was biking through a field of corn,
And a bull with the face of the Vicar
Was charging with lowered horn.

She could feel his hot breath behind her,
He was going to overtake;
And the bicycle went slower and slower
Because of that back-pedal break.

Summer made the trees a picture,
Winter made them a wreck;
She bicycled to the evening service
With her clothes buttoned up to her neck.

She passed by the loving couples,
She turned her head away;
She passed by the loving couples,
And they didn't ask her to stay.

Miss Gee sat in the side-aisle,
She heard the organ play;
And the choir sang so sweetly
At the ending of the day,

Miss Gee knelt down in the side-aisle,
She knelt down on her knees;
'Lead me not into temptation
But make me a good girl, please.'

The days and nights went by her
Like waves round a Cornish wreck;
She bicycled down to the doctor
With her clothes buttoned up to her neck.

She bicycled down to the doctor,
And rang the surgery bell;
'O, doctor, I've a pain inside me,
And I don't feel very well.'

Doctor Thomas looked her over,
And then he looked some more;
Walked over to his wash-basin,
Said,'Why didn't you come before?'

Doctor Thomas sat over his dinner,
Though his wife was waiting to ring,
Rolling his bread into pellets;
Said, 'Cancer's a funny thing.

'Nobody knows what the cause is,
Though some pretend they do;
It's like some hidden assassin
Waiting to strike at you.

'Childless women get it.
And men when they retire;
It's as if there had to be some outlet
For their foiled creative fire.'

His wife she rang for the servent,
Said, 'Dont be so morbid, dear';
He said: 'I saw Miss Gee this evening
And she's a goner, I fear.'

They took Miss Gee to the hospital,
She lay there a total wreck,
Lay in the ward for women
With her bedclothes right up to her neck.

They lay her on the table,
The students began to laugh;
And Mr. Rose the surgeon
He cut Miss Gee in half.

Mr. Rose he turned to his students,
Said, 'Gentlemen if you please,
We seldom see a sarcoma
As far advanced as this.'

They took her off the table,
They wheeled away Miss Gee
Down to another department
Where they study Anatomy.

They hung her from the ceiling
Yes, they hung up Miss Gee;
And a couple of Oxford Groupers
Carefully dissected her knee.

mercredi 27 avril 2011

Haizi - La nuit dans une goutte

一滴水中的黑夜



一滴水中的黑夜
一滴泪水中的全部黑夜

一滴无名的泪水
在乡村长大的泪水
飞在乡村的黑夜
山坡上,几棵冬天的草

看见四海龙王 在黄昏之后
举起了一片淹没了野鸽子的
漆黑的像黑夜的海水
一样的天空

海水把你推上岸来
一滴水中的黑夜
推到我的怀抱
朝夕相伴,如痴如醉
一滴泪水有她自己的笑容
就像黑夜中闪闪的星星
这些陌生人系好了自己的马
在女王广大的田野和树林

1988.2.11



La nuit dans une goutte


La nuit dans une goutte
Toute la nuit dans une larme

Une larme sans nom
Larme grandie au village
Volant dans la nuit du village
Sur la colline, quelques herbes d’hiver

J’ai vu le roi dragon des quatre mers
    Au-delà du crépuscule
Qui soulevait un morceau de ciel
A noyer les tourterelles
Noir comme la mer, la nuit

La mer t’a jetée sur la côte
La nuit dans une goutte
T’a jetée dans mes bras
Ensemble jour et nuit
    Idiots et ivres

Dans une larme, il y a son sourire
Comme les étoiles qui brillent dans la nuit
Ces inconnus ont attaché leurs chevaux
Dans les grands bois et les champs de la reine

11-2-1988