dimanche 26 octobre 2014

Larkin - Retour sur les crapauds

Retour sur les crapauds
 
Une promenade dans le parc
Semble préférable au bureau :
Le lac, les rayons du soleil,
La pelouse où l’on s’étend,
 
Le bruit lointain du bac à sable
Derrière les bas noirs des nourrices -
L’endroit vous parait confortable.
Mais je n’en voudrais pas,
 
Car je fais partie de ces gens
Qu’on y rencontre l’après-midi
Vieux éclopés faisant leurs exercices
Greffiers effarés qui tremblent de peur
 
Convalescents au teint de cire
Perdus depuis quelque accident
Et personnages en longs manteaux
Dans les poubelles se plongeant
 
Qui cherchent tous à fuir ce travail de crapaud
En se faisant faibles ou idiots.
Imaginez-vous l’un deux !
Ecoutant l’heure sonner
 
Regardant le pain se livrer
Le soleil dans le ciel se cacher
Les enfants de l’école rentrer;
Imaginez-vous l’un d’eux,
 
Ressassant leurs vies ratées
Devant un massif d’azalées
Sans rien à faire que de rentrer
Sans amis que des chaises vides-
 
Non, rendez-moi ma bannette courrier
Ma secrétaire et son gros chignon
Mes je-prends-les-appels-monsieur ?
Que demander de mieux,
 
Quand on allume à quatre heures passées
Dans les derniers jours de l’année ?
Donne-moi le bras, crapaud, mon frère
Sur le chemin du cimetière.


Toads revisited

Walking around in the park
Should feel better than work:
The lake, the sunshine,
The grass to lie on,

Blurred playground noises
Beyond black-stockinged nurses -
Not a bad place to be.
Yet it doesn't suit me.

Being one of the men
You meet of an afternoon:
Palsied old step-takers,
Hare-eyed clerks with the jitters,

Waxed-fleshed out-patients
Still vague from accidents,
And characters in long coats
Deep in the litter-baskets -

All dodging the toad work
By being stupid or weak.
Think of being them!
Hearing the hours chime,

Watching the bread delivered,
The sun by clouds covered,
The children going home;
Think of being them,

Turning over their failures
By some bed of lobelias,
Nowhere to go but indoors,
Nor friends but empty chairs -

No, give me my in-tray,
My loaf-haired secretary,
My shall-I-keep-the-call-in-Sir:
What else can I answer,

When the lights come on at four
At the end of another year?
Give me your arm, old toad;
Help me down Cemetery Road.

vendredi 24 octobre 2014

Yu Jian - 93 (ce soir les nuages)


这个黄昏云象贝多芬的头发那样卷曲着
这个黄昏高原之幕被落日的手揭开了
一架巨大的红钢琴 
张开在怒江和高黎贡山之间
水从深处抬起了它的透明 鸟把羽毛松开在树枝上
黄金之豹 把双爪枕在岩石的包厢口 蛇上升着
石头松开了握着的石头 森林里树的肤色在转深
星星的耳朵悬挂在高处 万物的听都来了
哦 请弹奏吧 永恒之手


Ce soir les nuages roulent comme les cheveux sur la tête de Beethoven
Ce soir sur le plateau le rideau se lève sous la main du soleil couchant
Un énorme piano rouge
S’étend du Salouen aux monts Gaoligong
Des profondeurs l’eau fait jaillir sa transparence
                sur les branches les oiseaux se défont de leurs plumes
La panthère dorée         a déposé ses griffes à l’entrée de la loge             le serpent se dresse
La pierre a relâché son étreinte sur la pierre      dans la forêt l’écorce des arbres s’assombrit
Les oreilles des étoiles sont suspendues là-haut                             toutes les créatures sont à l’écoute
Joue !   O main immortelle !

Yu Jian - 31 (Geyitou)


在云南以北的国家公路旁
一块路牌标示出格以头地方
哦 格以头
没有人知道那是一个什么去处
只看见路牌下有一条腐烂在雨水中的泥浆路
是马蹄和光脚板踩出来的



Au nord du Yunnan au bord d’une route nationale
Une pancarte indique un lieu appelé Geyitou
Oh          Geyitou
Personne ne sait quel genre d’endroit cela peut être
On y voit seulement au-dessous du panneau un chemin délabré par la pluie et la boue
Que des sabots et des pieds nus ont aplani

 

Yu Jian - 258 (dimensions)


测量
不知几万里也

这是您的大地
20米×48米
占地960平米
这是您的小区
23米×5、1米
占地117、3平米
这是您的套间
6、5米×4、2米
占地27、3平米
这是您的客厅
5、6米×3、4米
占地19平米
这是您的卧室
2、1米×1、8米
占地3、8平米
测量员以为还可以退一步
结果撞到了墙壁
这是您的厨房
1、6米×1、1米
占地1、76平米
这是您的卫生间
1、4米×1、8米
占地2、8平米
这是您的床位
1、6米×0、5米×2
占地1、6平米
这是太太和您
本人
0、2×0、3米
占地0、06平米
先生,这是……测量员停顿了一下
您的盒子。


Nul ne saurait appréhender
Ces dimensions

Voici votre territoire
20 mètres par 48
960 mètres carrés
Voici votre voisinage
23 mètres par 5,1
117,3 mètres carrés
Voici votre vestibule
6,5 mètres par 4,2
27,3 mètres carrés
Voici votre salon
5,6 mètres par 3,4
19 mètres carrés
Voici votre chambre
2,1 mètres par 1,8
3,8 mètres carrés
Le géomètre croit pouvoir encore reculer d’un pas
Et se cogne contre le mur
Voici votre cuisine
1,6 mètre par 1,1
1,76 mètre carré
Voici votre salle de bains
1,4 mètre par 1,8
2,8 mètres carrés
Voici l’emplacement de votre lit
1,6 mètre par 0,5, fois 2
1,6 mètre carré
Voici votre épouse et
Vous-même
0,2 mètres par 0,3
0,06 mètre carré
Et voici, Monsieur… le géomètre fait silence
Voici votre boîte.



jeudi 9 octobre 2014

Lecture de Yu Jian, la Guillotine, Montreuil 23 Octobre 2014

Les mains vides         Apportant un poème
空着手 带着诗
Lecture bilingue de poèmes de Yu Jian
Par Yu Jian et François Charton
 
Jeudi 23 Octobre - 19h30
Au Théâtre de la Guillotine
24 rue Robespierre
Montreuil (métro Robespierre)
 
Paris attire toujours autant les artistes : le grand poète chinois YuJian 于坚 y vient quelques semaines. Nous organisons avec lui, dans l'esprit du banquet de poésie qui a eu lieu au printemps cette année, une soirée ou ses textes et images seront partagés, en chinois et en français, pour le plaisir de curieux, d'amateurs de poésie ou de culture chinoise ou des deux. Quelques thèmes (art, peurs, écriture, nature...) seront bien espacés pour nous laisser le temps de discuter et partager autour d'un verre, afin que la poésie sonne, claironne et vive.
 

Images intégrées 1
Né en 1954 au Yunnan, dans le Sud Ouest de la Chine, Yu Jian voit ses études interrompues par la Révolution Culturelle et devient, à quinze ans, ouvrier soudeur. Sous l’influence de son père, amateur de poésie classique, il commence à écrire des vers au milieu des années 70. En 1980, à la faveur de la réouverture des universités, il est admis à l’Université du Yunnan, dont il sort diplômé de littérature chinoise en 1984. En 1986, ses premiers poèmes paraissent dans des revues littéraires d’envergure, et il fonde avec le poète Han Dong un magazine d’avant-garde, Tamen (Eux). Ses premiers recueils paraissent à la fin des années 80.
 
En 1994, il fait paraître Dossier 0, un long poème en prose reprenant le style des dossiers administratifs, métaphore tant de l’homme moderne que du processus créatif (une traduction est parue en 2005 aux éditions, Bleu de Chine, Gallimard, et est reprise dans le recueil Les rubans du cerf volant, parus en 2014). En 2000, il fait paraître Un Vol, longue évocation de la société contemporaine, influencée par La Terre Vaine de T.S. Eliot (traduction parue en 2010 aux éditions Gallimard-Bleu de Chine). Parallèlement à son œuvre poétique, Yu Jian poursuit une activité de photographe et de cinéaste.