jeudi 16 décembre 2010

Haizi - A Rimbaud

献给韩波:诗歌的烈士


反对月亮
反对月亮肚子上绿色浇灌天空

韩波,我的生理之王
韩波,我远嫁他方姐妹早夭之子
韩波,语言的水兽和姑娘们的秘密情郎

韩波在天之巨大下面——脊背坼裂

上路,上路韩波如醉舟
不顾一切地上路
韩波如装满医生的车子
远方如韩波的病人
远方如树的手指怀孕花果

反对老家的中产阶级

韩波是野兽睫毛上淫浪的波浪

村中的韩波
毒药之父
(1864-1891)
埋于此:太阳
海子的诗



A Rimbaud, poète martyr

A bas la lune
A bas le vert qui arrose le ciel sur le ventre de la lune

Rimbaud, seigneur de ma physiologie
Rimbaud, fils trop tôt disparu de mes sœurs mariées au loin
Rimbaud, monstre marin du langage, amour secret des jeunes filles

Rimbaud, sous le ciel immense – les reins brisés

En route, Rimbaud en route comme un bateau ivre
En route quoi qu’il advienne
Rimbaud comme une voiture remplie de médecins
Le loin, comme un malade de Rimbaud
Le loin, comme la main d’un arbre, enceinte de fleurs et de fruits

A bas la classe moyenne du pays natal

Rimbaud, vague lubrique sur les cils d’une bête sauvage
Rimbaud de village
Père des poisons
(1864-1891)
Enterré ici : Soleil
Poème de Haizi

mercredi 15 décembre 2010

Duo Yu - Doute

不相信


他朝我的影子狠狠地踩下去
让我的心头一紧
我抬眼看见那张脸
一半是微笑,一半是阴影
开阔的鼻孔有一股腐烂的味道
他指了指前方
我重新把头低下
当时阳光正毒
我的身影很短


Doute

Il piétine mon ombre avec férocité
Et mon cœur se serre
Je lève les yeux, j’aperçois ce visage
Moitié sourire, moitié noirceur
Narines dilatées qui sentent un peu la pourriture
Il pointe du doigt, devant nous
Alors je baisse la tête
A cet instant, le soleil est terrible
Et mon ombre toute petite

dimanche 12 décembre 2010

Yu Jian 47

47


清晨的腐败
发生在厨房内部
如果把食物和蔬菜的排列
看成讨论晚餐的会议

La corruption du petit matin
Apparait au cœur de la cuisine
Si l’on a disposé les plats et les légumes
Comme une conférence, débattant du dîner

Yu Jian - 33

33


超级市场的水泥地基打入地层十米以下
为的是不使消过毒的苹果和冰冻的牛肉
从货架上掉下来
超级市场    仍旧是大地上的一部分
在这坚固而没有细菌的地面上
长不出苹果树
在这丰富多彩的货架中间
不会有人
在转过某个弯的时候    悠然瞥见
远远的南山下    一头母牛和一头小羊
在低头吃草

Les fondations de ciment du supermarché s’enfoncent à dix mètres sous la terre
Pour que les pommes, traitées, et la viande de bœuf, surgelée
Ne tombent pas des étagères

Mais si le supermarché
      N’est rien qu’un endroit, sur la terre
Sur son sol stable et aseptisé
Ne pousseront pas les pommiers
Dans ses rayons, richement décorés
Personne jamais
Au hasard d’un tournant
       N’apercevra au loin
Au pied de la montagne, au sud
       Une vache, un agneau
Broutant tête baissée

samedi 11 décembre 2010

Duo Yu - C'est l'hiver

冬天来了


冬天来了,孤立的时刻到了。

是不自由在为我们争取自由,
是星光在为监狱颁发荣誉。

是枯木在认领前世的落叶,
是北风在自扫门前雪。

成群的乌鸦飞过丛林,必有一只
是最黑的;一只穿皮衣的大鸟,
在敲响流亡者的家门。

是时候了,不能再给机会主义
以机会,不能再让天鹅恋上癞蛤蟆。

冷空气正在北方开着会议,我等着
等着你们给我送来一个最冷的冬天。
(2010冬)


C’est l’hiver

C’est l’hiver, voici venus les moments solitaires

C’est l’enfermé, luttant pour notre liberté
C’est le ciel étoilé, qui de la prison chante la louange

C’est l’arbre sec, qui reconnait ses feuilles mortes
C’est le vent du nord, qui balaie la neige devant la porte

Des vols de corbeaux passent sur les bois, il faut que l’un d’eux
Soit le plus noir, un grand oiseau vêtu de cuir
Qui frappe à la maison de l’exilé

Voici venu le temps, on ne peut plus donner l’opportunisme
A l’occasion, on ne peut plus laisser le cygne s’éprendre du crapaud.

Les vents glacés sont dans le nord en conférence, j’attends
J’attends que vous m’envoyiez le plus froid des hivers.

(Hiver 2010)

vendredi 3 décembre 2010

Huang Guangdao - En mémoire de notre ciel

纪念我们的天空


想起一些沉重的事儿
我可以孤独地忘了自己
麦子绿了
什么也听不到
水银般的耳朵是多么的高贵
整个冬天
有阳光的地方
水会失去形状
我会紧缩成一具尸体
像醉鬼佯装着继续爬上山岗
爬上山岗
窗前的栾树
每一个季节
我会给它们一个失望的比喻
倒立的扫帚
倒立的人儿
......
可为什么长着长着就没了样儿
分叉的嫩枝
无数的嫩枝无限地分叉下去
各自开着花儿
各自占据一个遥远的地方
面对这样的城堡
天空是破碎的
抬头看一眼
那么多谎言在穿梭
像一场危险地叙述
鸟儿会在高处迷路
也会从高处迅速地衰老下来
而我则可以想象着在你毛茸茸的脖颈上
掏出隐匿的刀刃
告诉人们
你的秘密
是没有花瓣的土地

En mémoire de notre ciel

Quand je pense à des choses difficiles
Je peux m’oublier tout seul
Le blé devient vert
On n’entend plus rien
Les oreilles, vif argent, sont si nobles
Tout l’hiver
Aux lieux ensoleillés
L’eau perd sa forme
Je m’étiole me fais cadavre
Comme un ivrogne fais semblant de grimper
Grimper
Par la fenêtre, des arbres à savon
En chaque saison
Je ferai une pauvre métaphore
Balais à l’envers
Bonshommes à l’envers
….
Mais pourquoi ils poussent, poussent et n’ont l’air de rien
Branches qui bifurquent
Branches innombrables qui bifurquent sans fin
Chacune fleurie
Chacune occupant un endroit distant
Face à pareil château
Le ciel est en miettes
Levant la tête, un regard
Tant de mensonges échangés
Comme une histoire dangereuse
Dans les hauteurs, les oiseaux se perdent
Et des hauteurs vite vieillissent
Alors, j’imagine que sur ton cou velu
Tirant une lame cachée
Je dis à tout le monde
Que tes secrets
Sont une terre sans pétales

jeudi 2 décembre 2010

Yu Jian - 110

干活的时候
总是有什么在后面或旁边
默不做声地看着
或许还做做鬼脸
但没有时间去对付它
它可能是某种尚未长出舌头的东西
它将在我干完之后
长出舌头

Quand on travaille
Il y a toujours quelque chose, derrière ou à coté
Qui regarde sans dire un mot
Ou bien fait des grimaces
Mais dont on n’a pas le temps de s’occuper
Peut être que ce quelque chose n’a pas encore de langue
Et que, quand j’aurai terminé
Il lui en poussera une

vendredi 5 novembre 2010

Zhai Yongming - Rideau

Rideau

Derrière le mur, il y a la mer
Derrière le rideau, il y a le ciel
Entre mur et rideau, il y a le temps

(Maintenant, parlons du décor
De son endroit, de son envers
Monde sans moi
Scène de rêve et de raison
Chant qui pleure et qui parle
Faux soir et vrai jour
Entremêlés
Inséparables)

Devant le rideau, il y a le présent
Devant le public, il y a le rideau
Entre public et rideau, les projecteurs

Qui éclairent mes yeux
Eclairent cette vie que le rideau partage
Vie de pantin
Vie de douleur
Vie d’illusion
C’est quoi, la vie, quand le rideau retombe ?

 幕

在一堵墙的后面是大海
在一块布的后面是天空
在一堵墙和一块布之间的是时间

(现在,谈谈幕
谈谈幕前幕后
无我的世界
似幻似真的戏
如泣如诉的唱
假的夜晚和真的白天
紧靠在一起
谁能分辨?)

在一块布的前面是现在
在观众面前的是一块布
在观众和布中间的是满台灯火

满台灯火照亮我的眼睛
照亮一块布隔断的人生
有傀儡般的人生
有辛苦奔波的人生
有真真假假的人生
哪一种人生是满台寂静后的人生?

samedi 30 octobre 2010

Yan Ying - Iceberg

冰山


我的虚无是冰山
我写诗
我的诗
也难以描述冰山
我写诗
也只是描述冰山
我写诗
像我瞩望冰山
我写诗
像我接近冰山
……

冰山,露出水面的仅仅是一角

2010/01/12



Iceberg

Mon néant est un iceberg
J’écris des poésies
Et mes poésies
Peinent à montrer l’iceberg
J’écris des poésies
Juste pour décrire l’iceberg
J’écris des poésies
Comme si j’espérais l’iceberg
J’écris des poésies
Comme si j’approchais l’iceberg


L’iceberg, ce qui sort de l’eau, c’est juste un coin

Yan Ying - Estampe : Pluie

木刻:雨


我想刻一幅木刻:旷野的雨
我想刻一幅木刻:窗外的雨

但我如何刻出:黑夜的雨
但我如何刻出:阵雨
我想刻出我诗中写到的雨——
冷雨,冬雨,冻雨

2009/10/05


Estampe : pluie

Je voulais graver une estampe : pluie sur la terre
Je voulais graver une estampe : pluie par la fenêtre

Mais comment graver : pluie la nuit
Mais comment graver : pluie à verse

Je voulais graver la pluie dans mon poème---
Pluie froide, pluie d’hiver, pluie verglaçante

Yan Ying - Chambre froide

饮冰室


室内的水结了冰
杯子里的水结了冰
砚台结了冰
墨水瓶结了冰

且让我也有一间饮冰室
且让我化冰为水
一半冰一半水
且让我也说饮冰

2008/08/30


Chambre froide

Dans la pièce, l’eau a gelé
Dans le verre, l’eau a gelé
L’écritoire a gelé
La bouteille d’encre a gelé

Alors moi aussi, j’aurai une chambre froide
Alors je dégèlerai
Et moitié glace, moitié eau
Moi aussi, je dirai le froid

Yan Ying - Mats

Mâts

Ô, mâts, mâts
Mâts sur l’océan
Je monte au sommet des mâts
Monte sur les mâts pourquoi
J’ai aperçu une île
Loin à l’horizon, pourtant là sous mes yeux
Peut être une île déserte
Je voudrais rejouer les naufragés
Etre encor Robinson ?
Ô océan immense
Mâts qui m’entraînent vers l’horizon

Ô, mâts, mâts
Dans cette estampe.

桅杆

哦,桅杆,桅杆
大海中的桅杆
我爬上桅杆
我爬上桅杆干什么
我眺望到一座岛屿
它远在天边,近如眼前
也许是一座荒岛
我想重演荒岛余生
当一回鲁滨逊?
哦,茫茫大海
桅杆伴我走天涯

哦,桅杆,桅杆
也在一幅木刻里

2007/12/20


Yan Ying - Salope

荡妇


春天,一位荡妇
春天,一位荡妇归来
她归来,她要告诉你——
她仍是一个荡妇

春天,一位荡妇
不告诉你她从哪里归来
正如不告诉你——
她又要去哪里放荡鬼混

2004/4/15

Salope

Le printemps, cette salope

Cette salope est revenue
Elle est revenue pour te dire---
Qu'elle est toujours une salope

Le printemps, cette salope
Ne dit pas d’où elle revient
Tout comme elle ne te dira pas---
Où elle ira faire sa salope.

samedi 23 octobre 2010

Duo Yu - J'ai honte donc je suis

我羞耻故我在


下雨了。做爱做到一半,不做了,
咽下去的东西,再吐出来。

旗帜升到一半,被一场悲剧制止,
钟表懒得再动,因时光太过漫长。

出租面具的人,在诱惑一个学射少年,
一只被组织派来的苍蝇跟我讨价还价。

因为风的缘故,落叶在羞辱一只鸟,
天空太低了,乌云在追捕鹰的思想。

如此纯洁的白云,为何洒下如此肮脏的雨水,
必有人下了命令,必有人从中做了手脚!

雨大了,我们的悲哀收紧了,
闪电提示着黑暗的无边无际。

人生,其实活一半就够了,
另一半留给慈悲如破陶的母亲,

请她重新选择自己的父,自己的国,
请她在光明中将我们再生一遍。

(2010)


J’ai honte donc je suis

Il pleut. Fait l’amour à moitié, puis arrêté,
Tout vomi ce que j’ai avalé

Drapeau en berne, par une tragédie retenu
Horloge qui refuse d’avancer, face à ce temps qui s’éternise

Loueur de masque, séduisant un jeune archer,
Une mouche, envoyée par l'Organisation, marchande avec moi

A cause du vent, les feuilles mortes humilient un oiseau,
Le ciel est trop bas, les nuages noirs balaient les pensées des aigles

Nuages blancs si purs, pourquoi déversez-vous cette pluie sale
Quelqu’un a dû donner un ordre, quelqu'un a dû faire des pieds et des mains !

Il pleut fort, notre tristesse se referme
Révélant d’un éclair l’obscurité sans fin

La vie, une moitié c’est bien assez,
Laissons l’autre à la mère, douce comme un vase brisé

Qu’elle se cherche un autre père, un autre pays
Qu’elle nous fasse revivre, dans la lumière

(2010)

mardi 19 octobre 2010

Yu Jian - 38

通知说    上帝在此开会
许多人闻迅赶来
看着会场    大家面面相觑
上帝会在这种地方布道?
主席台    麦克风    茶水    大标语
喇叭里播放着轻音乐
纷纷离去    都以为找错了地方
会议开始了,只有上帝一个人
孤单单地坐在主席台中间

L'annonce disait
      Dieu donne ici une conférence
Beaucoup l'apprenant s'étaient précipités
Mais voyant la salle
      Se regardaient, incrédules
Dieu viendrait, dans un tel endroit, nous parler?
Cette tribune     Ce micro    Ce thé    Ces affiches
Ces haut parleurs qui diffusent de la musique légère
Un à un il s'en vont
      Chacun croyant s'être trompé d'endroit
Et quand la réunion commence
      Il ne reste que Dieu
Assis tout seul à la tribune

Yu Jian - 48

要把每一句话都说得深刻
并且富于哲理
很简单    只要你每一次都把眼睛
用亚麻布蒙起来
然后    想象你是在举着灯
往高处走     像一条鲨鱼那样思考


Pour dire chaque phrase profondément
Pour qu’elle soit riche d’enseignements
C’est facile
    Il suffit chaque fois de couvrir
Ses yeux d’un bandeau de lin
Puis
    Imaginer qu’on monte
Une lampe à la main
    Pensant comme un requin

vendredi 15 octobre 2010

Mian Hai - Le téléscope

《望远镜》


我想有一个望远镜
只是我从来没有说过
这个愿望
应该马上写在这里
原因很简单
看不清楚的事情我们就想看清楚一点
比如一颗流星
一双美丽的眼睛
还亮着灯光的窗口
有人在那里晃动

Le téléscope

Je voudrais avoir un téléscope
Mais je n’ai jamais parlé
De cette envie
Il faut la noter, tout de suite
C’est très simple
Ce qu’on ne voit pas bien, on voudrait le voir mieux
Par exemple une comète
Une paire de jolis yeux
Une fenêtre encore éclairée
Et des gens qui s’y agitent

Mian Hai - Petit Wang

《小王》


谁会想到小王
和小郑结婚呢
当时小王还那样老实
小郑,也那样老实
特别是小王在企划部
小郑在电脑部
这两个部门
基本没有联系
但谁会想到小王
偷偷的看上了小郑
而小郑又
偷偷看上了小王



Petit Wang

Qui aurait cru que petit Wang
Aurait épousé petite Zheng
A l’époque, il était si sérieux
Et elle aussi était sérieuse
Puis, il travaillait au planning
Et elle à l’informatique
Deux secteurs qui n’ont rien à voir
Qui aurait cru que petit Wang
Aurait remarqué petite Zheng
Et que petite Zheng, elle aussi
Aurait remarqué petit Wang

mardi 12 octobre 2010

Zhao Fan - 8

Il y a des fois
Où quoi que l'on fasse
Soudain on pense à quelqu'un
A ce qu'il a dit et fait
Au froid dans son coeur
On comprend que c'est du passé


有些时候
无所谓在干什么
突然会想起某个人
以及他的言行
心中一凉
知道这已成往事

lundi 11 octobre 2010

Yu Jian - 89

Dans l'espace haut et bleu
Il doit y avoir un aigle qui vole

A l'instant où il y pense
Tout ce qui vole   
       C'est un corbeau


高蓝的天空
应当有鹰在飞翔

当他这么想的时候
正在飞翔的    只有乌鸦

Cette nuit

今夜寒露 敏感词荣获敏感词
今夜海南暴雨 锦州和神州依旧漆黑
无数人泪流如雨 深秋的河水开始变硬
连星空都被屏蔽了 今夜 我们还是能够找得到北
今夜在北方 铁门槛开始结冰
我的兄弟被雪藏至今 却没有哭泣
今夜他没有敌人 我们也没有敌人
但明天 一切都将重新界定和区别
今夜整个世界都在倾听 谁在地狱里敲门
那些渎神者还在虚弱的谴责
今夜 连总/理的声音都被间隔
人民只能庆贺——熊猫在欧洲怀孕生子

Cette nuit d'octobre,
Des mots dangereux récompensent des mots dangereux
Cette nuit les orages de Hainan,
Jinzhou et toutes la Chine sont à nouveau tout noirs
Des larmes, innombrables, tombent comme la pluie,
En cette fin d'automne, les rivières se figent
Même les étoiles au ciel sont cachées
Cette nuit
Pourtant nous avons retrouvé le nord
Cette nuit, dans le nord,
Les portes de fer ont commencé à geler
Mon frêre, par la neige caché jusqu'à ce jour,
Sans larmes pourtant
Cette nuit, n'a plus d'ennemis,
Nous n'avons plus d'ennemis
Demain,
Tout sera, à nouveau, défini, séparé
Cette nuit, le monde entier écoute,
Qui frappe aux portes de l'enfer
Des démons condamnent faiblement
Cette nuit,
Les voix du premier et du ministre se séparent
Le peuple ne peut que se réjouir
Un panda, en Europe, a eu un bébé

dimanche 10 octobre 2010

Duo Yu - L'intéressé...

该同志……


昨天,他向我借过笔
今天,他要借我的
耳朵。

“诗人,借你的喉咙
一用。”

我于是哑默。

在他将袖中刀
吐露出来之前,还有
一件事要办。

“借给我你的死——”
“别逼我,我自己会死的。”

我出借过三十年光阴
五千张纸条,三篇悔过书
两封告密信

一瓶红墨水。

他们还给我一份
档案:“该同志……”

(2010)

L’intéressé…

Hier, il m'a emprunté un stylo
Aujourd’hui, il veut prendre mes
Oreilles.

« Poète, prête-moi ta voix
J’en ai besoin. »

J’en suis resté muet.

Avant de tirer de sa manche
Un couteau, il lui reste
Une chose à faire

« Prête-moi ta mort … »
« Ne me brusque pas, je mourrai »

Je lui ai donné trente années
Cinq mille feuilles de papier, trois chapitres d’aveux
Deux lettres de dénonciation

Une bouteille d’encre rouge

Ils m’ont aussi laissé
Un rapport de police: « l’intéressé… »

dimanche 3 octobre 2010

Duoyu - Neige la nuit

Neige la nuit

La nuit, la tempête a pris fin
Je rentre de boire, marchant
Sur le sol meuble du chemin, tranquille
Comme la lune sur ma tête. Un jeune
Me suit, il a bu aussi, le sang chaud aussi
Le froid qu’il souffle, donne à ce soir
Une étrange jeunesse. Je pense souvent
Que quand on est seul on vieillit
Plus vite. Je ne savais pas que ces années
Ces époques et ces verres
Ont été par moi si bien conservés, que je peux encore
Etre heureux ou triste, encore être d’accord
Encore quand je pleure face au vent
Faire éclore ces flocons de jeunesse

雪夜

是夜,大雪骤停.
饮酒归来,踏着
松软的野径,心静得
像头顶的月。一个青年
跟着我,也饮酒,也热血
他呼出的冷,让这个夜晚
变得异常年轻。我时常觉得
在孤独中会老得
更快些,没想到这些年
时光和酒量
被我封存得这么好,还可以
悲欢,还可以同调
还可以在迎风流泪时
结出少年的冰花。

(2010)

vendredi 1 octobre 2010

Yu Jian - 35

De l'autre côté de ma fenêtre
Il y a la fenêtre d'une autre maison
De l'autre côté de mon balcon
Il y a le balcon d'un autre appartement
De l'autre côté de mon trois pièces
Il y a un autre trois pièces
De l'autre côté de mon unité
Il y a une autre unité
De l'autre côté de moi
Il y a quelqu'un d'autre comme moi vivant
Le paysage que je vois il le voit aussi
Les sons que j'entends il les entend aussi
Quand je dors il dort aussi
Quand je sors il sort aussi
A cause du même document
Publié dans nos deux unités
On nous a installés dans des appartement de même type
On nous a donné les mêmes balcons allongés
Debout derrière la fenêtre
Ne nous connaissant pas    Nous échangeons un sourire


在我的窗子外面
是另一栋房子的窗子
在我的阳台外面
是另一套房间的阳台
在我的三套间外面
是另一个三套间
在我的单位外面
是另一个单位
在我外面
是另一个像我一样活着的人
我看的风景他也看
我听的声音他也听
我睡觉的时间他也睡觉
我出门的时候他也出门
我们因为同一份文件
在各自单位上传达
分配到同样规格的房子
有了同样的长方形阳台
我们站在窗子前
互不相识   会心微笑

vendredi 24 septembre 2010

Yu Jian 41

Des gens ont découvert le Xishuangbanna
"Un endroit magnifique"
Ceux qui y habitent ne comprennent pas cela
Dans leur pays      Il n'ont jamais rien trouvé de magnifique
Le monde     Il est toujours comme cela
On l'a toujours appelé     Xishuangbanna


有人发现了西双版纳
" 一个美丽的地方 "
当地的居民不知道这是什么话
在他们的故乡    他们从未发现什么美丽
世界啊    本来就是这个样子
本来就叫做    西双版纳

mercredi 22 septembre 2010

Yu Jian - 3

Le terrain des palmiers a été vendu
Ceux qui vivaient autour déménagent
Chaque famille dans des camions emmène ses meubles
Mais les palmiers n'ont nulle part où aller
Ils attendent d'être abattus       et brûlés


棕榈树住的地方被卖掉了
住在它周围的人都在搬家
每一家都用卡车来运载家具
但棕榈树没有地方可搬
它等着被砍倒     烧掉

vendredi 18 juin 2010

Yu Jian - 109 (Ginsberg est mort...)




109


金斯堡死了 在他的祖国
我象一个没有祖国的人
为他的死难过着        十年前
这个世界在他的嚎叫中
呼唤着红色的救火车
我留起长发 
在大学的阶梯上哭泣
现在 他死在报纸的第四版上
在这等级分明的印刷品之间
他的墓地不超过四百个铅字
在我的光头下面 
他的长发在飘落


Ginsberg est mort             dans son pays
Et moi comme un sans patrie
Je le pleure        il y a dix ans
Le monde à son Cri
Convoquait les camions rouges des pompiers
J’avais les cheveux longs
Je sanglotai sur les marches de l’université
Aujourd’hui il est mort en page quatre du journal
Dans cette hiérarchie de papier,
Et son tombeau n’excède pas quatre cents signes.

Mais sous mon crâne chauve
Flottent ses cheveux longs



mercredi 16 juin 2010

Haizi- Lune

Lune

Dans la fumée de l’âtre
La lune est un singe blanc qui creuse un puits
La lune est un singe blanc sur la rivière qui grimace

Combien de fois saigne le ciel
Singe blanc qui coule sur le clocher
Coule au dessus du vieillard du sud

Singe blanc qui creuse un puits
Singe blanc qu’un village nourrit
La lune est un singe blanc qui grimace
O lune au cœur brisé
Lune toujours désespérée




炊烟上下
月亮是掘井的白猿
月亮是惨笑的河流上的白猿

多少回天上的伤口淌血
白猿流过钟楼
流过南方老人的头顶

掘井的白猿
村庄喂养的白猿
月亮是惨笑的白猿
月亮自己心碎
月亮早已心碎

mardi 15 juin 2010

Haizi - Dédicace

Dédicace

Horizon, inutile, abandonné
Monte pour moi, des plaines et des cimes enneigées
Poussière sous mes pieds, obscure et chaude
Terre qui m’apporte la foudre du paradis

Sous les toits du village est dressé le banquet de mariage
A mes côtés, juste la mer et la poussière, juste mes proches
Aujourd'hui, c’est toi qu'épouse le soleil
Sur le Pacifique, toute seule, au loin, ailleurs

Février 1989


献诗

废弃不用的地平线
为我在草原和雪山升起
脚下尘土黑暗而温暖
大地也将带给我天堂的雷电

家乡的屋顶下摆满了结婚的酒席
陪伴我的全是海水和尘土,全是乡亲
今天,太阳的新娘就是你
太平洋上唯一的人,远在他方

1989.2

samedi 12 juin 2010

Haizi - Pour l'anniversaire de B

Pour l’anniversaire de B

Un matin j’ai rêvé du jour où tu es née
Comme un agneau gambade vers l’est
---------- Où le soleil se lève

Un soir j’ai rêvé du jour où je suis mort
Comme un agneau gambade vers l’ouest
-------- Où le soleil descend

L’automne est arrivé, rien n’est oublié
Comme deux agneaux se rencontrent sur la route
Cette route où l’on emporte le soleil
Et frottent leurs nez et leurs bouches
-------- Endroits aimables
Où souffle la brise d’automne
Où je t’ai embrassée

(10 Septembre 1986)


给B的生日

天亮我梦见你的生日
好像羊羔滚向东方
——那太阳升起的地方

黄昏我梦见我的死亡
好像羊羔滚向西方
——那太阳落下的地方

秋天来到,一切难忘
好象两只羊羔在途中相遇
在运送太阳的途中相遇
碰碰鼻子和嘴唇
——那友爱的地方
那秋风吹凉的地方
那片我曾经吻过的地方

1986.9.10

Haizi - Tibet

Tibet

Tibet, rocher solitaire accaparant le ciel
Aucun soir ne peut m’endormir
Aucun matin ne peut me réveiller

Rocher solitaire accaparant le ciel
Qui dit : pendant mille ans, je n’aimerai que moi

Rocher solitaire accaparant le ciel
Aucune larme ne peut me changer en fleur
Aucun roi ne peut me changer en trône


(Août 1988)

西藏

西藏,一块孤独的石头坐满整个天空
没有任何夜晚能使我沉睡
没有任何黎明能使我醒来

一块孤独的石头坐满整个天空
他说:在这一千年里我只热爱我自己

一块孤独的石头坐满整个天空
没有任何泪水使我变成花朵
没有任何国王使我变成王座

1988.8

vendredi 11 juin 2010

Haizi - Pour toi

Pour toi

1.
Sur ce plateau désert
J’ai cru tout cela:
Mes pieds, le cœur d’une jument
Deux sillons, l’orge et la rosée
Sur ce plateau, où flottaient les nuages
J’ai cru au talent, à la patience, à l’immortalité
Cru que doucement, difficilement, quelqu'un m’aimerait
Mais il n’y avait personne, il n’y a que toi
Et notre passion
Sur ce plateau
Ce plateau désert
J’en cru tout cela,
J’ai cru en notre passion

2.
Je t’aime
Je suis parti loin
Les chevaux dorment dans la plaine
La lune éclaire leur visage

3.
Quand je t’ai aimée
J’habitais une ancienne grange
Ecrivant des vers, dans le soir

Quand j’étais avec toi
Assis dans le soir
Soir jaune comme le blé
Soir de printemps
Que pouvais je te dire

Le soir est mon pays
Tu as grandi dans ce pays tranquille
Tu as grandi dans ce doux sentiment
Sans aucun bruit
Tu es venue droit dans mon coeur

4.
Et pendant qu’elle cueillait des fleurs dans les plaines du Nord
Mes deux mains se pressaient dans les marais du Sud
Des dix doigts poussant
La porte abandonnée

La porte en bois de sa maison, visages de sœurs
Visages de parents
Comme la pluie du Sud
Pluie véritable
Tombant sur ma tête

5.
Les gens de l’hiver
Vont comme les anges
Parce que je t’ai aimée en hiver.

Août 1986

给你

1.

在赤裸的高高的草原上
我相信这一切:
我的脚,一颗牝马的心
两道犁沟,大麦和露水
在那高高的草原上,白云浮动
我相信天才,耐心和长寿
我相信有人正慢慢地艰难地爱上我
别的人不会,除非是你
我俩一见钟情
在那高高的草原上
赤裸的草原上
我相信这一切
我相信我俩一见钟情
2.
我爱你
跑了很远的路
马睡在草上
月亮照着他的鼻子

3.
爱你的时刻
住在旧粮仓里
写诗在黄昏

我曾和你在一起
在黄昏中坐过
在黄色麦片的黄昏
在春天的黄昏
我该对你说些什么

黄昏是我的家乡
你是家乡静静生长的姑娘
你是在静静的情义中生长
没有一点声响
你一直走到我心上

4.
当她在北方草原摘花的时候
我的双手驶过南方水草
用十指拨开
寂寞的家门

她家木门下几个姐妹的脸
亲人的脸
像南方的雨
真正的雨水
落在我头上

5.
冬天的人
像神祗一样走来
因为我在冬天爱上了你

1986.8

Haizi- Ce que dit Mozart dans son requiem

Ce que dit Mozart dans son requiem

Femmes que j’aperçois
Femmes dans l’eau
Dans un champ de blé
Disposez mes os
Comme un grand bouquet
Et dans l’étui d’un violon ramenez-les
Vous que j’aperçois
Femmes limpides, passant
Sur la rivière, femmes
Au dessus des blés, étendez vos mains

Quand je ne pourrai plus rentrer
Assis sur les blés moissonnés
Vous rangerez mes ossements dépareillés
Dans un coffret rouge sombre vous les emmènerez
Comme vous porteriez votre précieuse dot.


莫扎特在《安魂曲》中说

我所能看见的妇女
水中的妇女
请在麦地之中
清理好我的骨头
如一束芦花的骨头
把它装在琴箱里带回

我所能看见的
洁净的妇女,河流
上的妇女
请把手伸到麦地之中
当我没有希望
坐在一束麦子上回家
请整理好我那零乱的骨头
放入那暗红色的小木柜,带回它
像带回你们富裕的嫁妆

Haizi - Le chant inachevé

Le chant inachevé

Tu es mon chant
Inachevé
Qu’aime mon cœur inachevé
Qu’enfouit mon corps inachevé
Tu es mon chant
Inachevé
Que personne ne doit corriger

半截的诗

你是我的
半截的诗
半截用心爱着
半截用肉体埋着
你是我的
半截的诗
不许别人更改一个字

jeudi 10 juin 2010

Gu Cheng - D'où viennent les étoiles

星月的来由

树枝想去撕裂天空
却只戳了几个微小的窟窿
它透出天外的光亮
人们把它叫做月亮和星星

D'où viennent les étoiles

Les arbres voulaient déchirer le ciel
Mais n’y ont percé que de petits accrocs
Où l’on aperçoit la lumière, au delà
On les a appelés la lune et les étoiles

mercredi 9 juin 2010

Haizi - Nuit

Nuit

La nuit
Mes trois douleurs : errance, amour, existence
Mes trois bonheurs : poésie, gloire, soleil


夜色

在夜色中
我有三次受难:流浪 爱情 生存
我有三次幸福:诗歌 王位 太阳

Haizi - Florilège amoureux

Florilège amoureux

Assis sur un chandelier
Je suis un bouquet de fleurs
Qui rêve d’un autre bouquet
Ne sachant quand s’offrir
Ne sachant comment se tenir


爱情诗集

坐在烛台上
我是一只花圈
想着另一只花圈
不知道何时献上
不知道怎样安放

Haizi - Face à l'océan, des fleurs au printemps

面朝大海,春暖花开

从明天起,做一个幸福的人
喂马,劈柴,周游世界
从明天起,关心粮食和蔬菜
我有一所房子,面朝大海,春暖花开

从明天起,和每一个亲人通信
告诉他们我的幸福
那幸福的闪电告诉我的
我将告诉每一个人

给每一条河每一座山取一个温暖的名字

陌生人,我也为你祝福
愿你有一个灿烂的前程
愿你有情人终成眷属
愿你在尘世获的幸福

我只愿面朝大海,春暖花开


Face à l'océan, des fleurs au printemps

A partir de demain, être un homme heureux
Elever des chevaux, fendre du bois, voir le monde
A partir de demain, faire attention à mes récoltes, à mes légumes
Avoir une maison, face à l'océan, des fleurs au printemps

A partir de demain, écrire à tous mes proches
Raconter mon bonheur
Cet éclair de joie, ce qu'il m'a appris
Le dire à chacun

A chaque rivière, à chaque montagne, donner un nom chaleureux

Etranger, pour toi aussi, je fais ce vœu
Je te souhaite un avenir radieux
Je te souhaite un mariage heureux
Je te souhaite le bonheur en ce monde

Moi, je veux simplement
Faire face à l'océan, et des fleurs au printemps.

(13/1/1989)

Haizi - Au printemps dix Haizi

Au printemps dix Haizi

Au printemps dix Haizi sont tous ressuscités
Dans un pays de lumière
Ils rient de ce Haizi sauvage et blessé
Tu as dormi si longtemps, pour quoi faire?

Au printemps dix Haizi grondent doucement
Entourés, toi et moi, de leur danse et leur chant
T’ébouriffant, sautant sur toi et repartant, nuage de poussière
Ta souffrance béant, répandue sur la terre

Ce printemps, Haizi, sauvage et vengeur
Resté seul, le dernier
Fils de la nuit, plongé dans l’hiver, par la mort fasciné
N'en peut plus, rêve de villages vides et froids

Là bas les récoltes, en hautes meules, cachent les fenêtres
Une moitié pour les six bouches d’une famille, estomacs nourris
L’autre pour les paysans, qui les replanteront
Le vent souffle d’est en ouest, du nord au sud, ne voit ni nuit ni jour
Cette aube dont tu parles, c’est quoi au fond?

(mars 89)


春天, 十个海子

春天, 十个海子全都复活
在光明的景色中
嘲笑这一野蛮而悲伤的海子
你这么长久地沉睡到底是为了什么?
春天, 十个海子低低地怒吼
围着你和我跳舞、唱歌
扯乱你的黑头发, 骑上你飞奔而去, 尘土飞扬
你被劈开的疼痛在大地弥漫

在春天, 野蛮而复仇的海子
就剩这一个, 最后一个
这是黑夜的儿子, 沉浸于冬天, 倾心死亡
不能自拔, 热爱着空虚而寒冷的乡村

那里的谷物高高堆起, 遮住了窗子
它们一半而于一家六口人的嘴, 吃和胃
一半用于农业, 他们自己繁殖
大风从东吹到西, 从北刮到南, 无视黑夜和黎明
你所说的曙光究竟是什么意思

vendredi 4 juin 2010

Haizi - Soleil

Soleil

Fleurs de pêcher
Glissant sur le mur de terre
Son des cloches des vaches

Deux petits cousins amenés par ma tante
Se tiennent devant moi
Comme deux briquettes de charbon

Le soleil est si fort
Sang et fouet créateurs !


日 光

梨花
在土墙上滑动
牛铎声声

大婶拉过两位小堂弟
站在我面前
象两截黑炭

日光其实很强
一种万物生长的鞭子和血!

mercredi 2 juin 2010

Haizi - Caché dans ma fenêtre, un verre à ta santé

Caché dans ma fenêtre, un verre à ta santé

C’est la dernière fois que je pense au midi
Un midi comme les autres que se rappelle
Mon cadavre s'enfonçant dans la mer

Souvenir de cette belle
Vêtue d’une robe à fleurs
Accrochée au bois d’une porte
Dérivant la nuit sur la neige

Deux mains dans un rêve
Serrant sans répit des tisons

Au milieu de la vague
Amour aux cris aigus
Petite nymphe, petite nymphe
Où es tu ?


我的窗户里埋着一只为你祝福的杯子

那是我最后一次想起中午
那是我沉下海水的尸体
回忆起的一个普通的中午

记得那个美丽的
穿着花布的人
抱着一扇木门
夜里被雪漂走

梦中的双手
死死捏住火种

八条大水中
高喊着爱人
小林神, 小林神
你在哪里

mardi 25 mai 2010

Haizi - Poeme funèbre

死亡之诗(之一)

漆黑的夜里有一种笑声笑断我坟墓的木板
你可知道。这是一片埋葬老虎的土地

正当水面上渡过一只火红的老虎
你的笑声使河流漂浮
的老虎
断了两根骨头
正当这条河流开始在存有笑声的黑夜里结冰
断腿的老虎顺流而下 来到我的
窗前。

一块埋葬老虎的木板
被一种笑声笑断两截

Poème funèbre I

Dans la nuit d’encre, un rire a déchiré les planches de ma tombe
Tu le sais bien. C’est ici qu’on enterrait les tigres.

Et justement, traversant l’eau, un tigre rouge feu
Rire faisant flotter l’eau
Tigre
Aux deux os cassés
Et justement, ce fleuve, rire dans la nuit, soudain gèle
Tigre aux jambes brisées, dérive, passe devant
Ma fenêtre.

Une planche de la tombe du tigre
D’un rire coupée en deux.

samedi 8 mai 2010

Zhang Zao - Dans le miroir

镜中

只要想起一生中后悔的事
梅花便落了下来
比如看她游泳到河的另一岸
比如登上一株松木梯子
危险的事固然美丽
不如看她骑马归来
面颊温暖
羞惭。低下头,回答着皇帝
一面镜子永远等候她
让她坐到镜中常坐的地方
望着窗外,只要想起一生中后悔的事
梅花便落满了南山

张枣

Dans le miroir
Zhang Zao

Seuls importent les regrets d’une vie
Fleurs de pruniers tombées par terre
Comme la voir nager vers l’autre rive
Comme monter au sommet d’un grand pin
Histoires dangereuses, si belles
Plutôt la voir revenir, à cheval
Les joues brillantes,
Minaudant. Tête baissée, répond à l’empereur
Pendant que le miroir, toujours, attend
Qu’elle reprenne sa place, dans la glace
Regarde par la fenêtre, seuls importent les regrets d’une vie
Fleurs de pruniers, tombées par terre, jonchant les monts du Sud.

mardi 23 février 2010

Liezi - Retour au pays

燕 人 生 於 燕 , 長 於 楚 , 及 老 而 還 本 國 . 過 晉 國 , 同 行者 誑 之 ; 指 城 曰 : 「 此 燕 國 之 城 . 」 其 人 愀 然 變 容 . 指 社 曰 : 「 此 若 里 之 社 . 」 乃 喟 然 而 歎 . 指 舍 曰 : 「 此 若 先 人 之 廬 . 」 乃 涓 然 而 泣 . 指 壟 曰 : 「 此 若 先 人 之 冢 .」 其 人 哭 不 自 禁 . 同 行 者 啞 然 大 笑 , 曰 : 「 予 昔 紿 若 ,此 晉 國 耳 . 」 其 人 大 慚 . 及 至 燕 , 真 見 燕 國 之 城 社 , 真 見 先 人 之 廬 冢 , 悲 心 更 微 .

Un natif du Yan avait grandi au Chu. Devenu vieux, il rentra dans son pays natal. Comme ils traversaient le Jin, ses compagnons de voyage lui firent une blague. Lui montrant des remparts, ils dirent : "voici les murs du Yan". L'homme pâlit. Lui montrant des autels, ils dirent : "voici les temples de votre village" Il poussa un long soupir. Lui montrant une maison, ils dirent: "voici la demeure de vos parents" Ses larmes se mirent à couler. Lui montrant des tertres: "et voici les tombes de vos ancêtres". Notre homme sanglotait, sans pouvoir s’arrêter. Ses compagnons de voyage éclatèrent de rire: "nous vous avons bien eu: nous sommes au Jin" L'homme fut tout penaud. Et quand ils arrivèrent au Yan, qu'il vit ses murs et ses autels, et les maisons et les tombes de ses ancêtres, son émotion fut un peu moins grande.

lundi 1 février 2010

Haizi - Solitude à Changping

Solitude à Changping

La solitude, c’est une nasse
C’est l’eau dans la nasse
Plongée dans l’eau

La solitude, c’est un grand cerf qui dort dans l’eau
Qui rêve que ceux qui le chassent
Ce sont ces hommes qui puisent l’eau avec la nasse

Toutes les autres solitudes
Les deux garçons dans leurs barques de cèdre
Et ces filles qu’entourent
Les Odes en branches, les Elégies en feuilles
Dans la défaite de l’amour
Ce sont les flammes dans la nasse
Noyées au fond de l’eau

Mais quand on la remonte, ce n’est plus qu’une nasse
La solitude, ça ne se dit pas.

在昌平的孤独

孤独是一只鱼筐
是鱼筐中的泉水
放在泉水中

孤独是泉水中睡着的鹿王
梦见的猎鹿人
就是那用鱼筐提水的人

以及其他的孤独
是柏木之舟中的两个儿子
和所有女儿,围着诗经桑麻沅湘木叶
在爱情中失败
他们是鱼筐中的火苗
沉到水底

拉到岸上还是一只鱼筐
孤独不可言说

(1986)

samedi 30 janvier 2010

Un jour rêvé pour le poisson banane - JD Salinger

Il y avait quatre vingt dix sept publicitaires New Yorkais dans l’hôtel, et, vu comme ils monopolisaient les lignes longues distances, la fille du 507 avait dû attendre son appel de midi à près de deux heures trente. Mais elle n’avait pas perdu son temps. Elle avait lu un article d’un magazine féminin petit format, intitulé « Le sexe c’est bien --- ou c’est affreux ». Elle avait lavé son peigne et sa brosse. Elle avait enlevé la tâche de la jupe de son tailleur beige. Elle avait déplacé le bouton de son chemisier de chez Saks. Elle avait épilé deux poils qui venaient d’émerger de son grain de beauté. Et quand l’opératrice appela finalement la chambre, elle était assise sur le fauteuil, près de la fenêtre, et avait presque fini de se vernir les ongles de la main gauche.

C’était le genre de fille qu’une sonnerie de téléphone ne pouvait interrompre. On aurait pu croire que le téléphone sonnait continuellement depuis son adolescence.

De son petit pinceau à vernis, pendant que le téléphone sonnait, elle repassa sur l’ongle de son petit doigt, soulignant la lunule. Puis, elle reboucha la bouteille de vernis et, se levant, fit décrire à sa main gauche – la mouillée – des aller retours dans l’air. De sa main sèche, elle attrapa un cendrier bondé, près du fauteuil, et l’emporta avec elle jusqu’à la table de nuit sur laquelle le téléphone était posé. Elle s’assit sur un des lits jumeaux, faits, et – à la cinquième ou sixième sonnerie – décrocha le téléphone.

“Allo,” dit-elle, gardant les doigts de sa main gauche étendus loin de la robe de chambre de soie blanche, seul vêtement qu’elle portât à l’exception de ses mules – ses bagues étaient dans la salle de bain.

“J’ai New York en ligne pour vous, Madame Glass,” dit l’opératrice.

“Merci,” dit la fille, en faisant de la place sur la table de nuit pour le cendrier.
On entendit la voix d’une femme. « Muriel ? C’est toi ? »

La fille éloigna légèrement le combiné de son oreille. « Oui, Maman. Comment vas-tu ? » dit elle.

“Je me suis fait un sang d’encre pour toi. Pourquoi n’as-tu pas appelé ? Tout va bien ? »

“J’ai essayé de t’appeler la nuit dernière, et la nuit d’avant. Mais le téléphone, ici… »

“Tout va bien, Muriel?”

La fille éloigna encore le combiné de son oreille. « Je vais bien. J’ai chaud. C’est la journée la plus chaude qu’ils aient eu en Floride depuis…”

“Pourquoi ne m’as tu pas appelée? Je me suis fait un sang… »

“Maman, chérie, pas besoin de hurler. Je t’entends parfaitement, » dit la fille. « Je t’ai appelée deux fois la nuit dernière. Une fois juste après… »

“J’avais dit à ton père que tu appellerais probablement la nuit dernière. Mais non, il fallait qu’il… Tout va bien, Muriel ? Dis-moi la vérité.”

“Je vais bien. Arrête de me demander cela, s’il te plaît.”

“Quand êtes-vous arrivés?”

“Je ne sais pas. Mercredi matin, tôt. »

“Qui conduisait?”

“Lui,” dit la fille. “Et ne t’énerve pas. Il conduisait très doucement. J’en étais étonnée. »

“Il conduisait? Muriel, tu m’avais promis que…”

“Maman,” interrompit la fille, “Je viens de te dire qu’il conduisait doucement. Jamais plus de cinquante, pendant toute la route, en fait. »

“Il n’a pas essayé un de ses drôles de trucs, avec les arbres ? »

“Je t’ai dit qu’il conduisait doucement, Maman. S’il te plaît. Je lui ai demandé de rester près de la ligne blanche, et tout ça, et il a compris ce que je disais, et il l’a fait. Il essayait même de ne pas regarder les arbres – ça se voyait. A propos, Papa a fait réparer la voiture ? »

« Pas encore. Ils veulent quatre cents dollars rien que pour… »

“Maman, Seymour a dit à Papa qu’il paierait cela. Il n’y a pas de raison de… »

“Bon, on verra. Comment s’est il tenu… dans la voiture, tout çà?”

“Très bien,” dit la fille.

“Il a continué à t’appeler de cet affreux…”

“Non. Il en a trouvé un autre.”

“Quoi?”

“Oh, qu’est ce que ça change, Maman?”

“Muriel, je veux savoir. Ton père…”

“D’accord, d’accord. Il m’appelle Miss Trainée Spirituelle 1948,” dit la fille en pouffant.

“Ce n’est pas drôle, Muriel. Ce n’est pas drôle du tout. C’est horrible. C’est triste, en fait. Quand je pense combien…”

“Maman”, interrompit la fille, “écoute moi. Tu te souviens de ce livre qu’il m’avait envoyé d’Allemagne ? Tu sais – ces poèmes allemands. Qu’est ce que j’en ai fait ? Je me creuse les…”

“Tu l’as toujours.”

“Tu en es sûre?” dit la fille.

“Certainement. En fait, c’est moi qui l’ai. Il est dans la chambre de Freddy. Tu l’as laissé la bas et je n’avais pas de place pour le ranger dans le… Pourquoi ? Il le veut ? »

“Non. Seulement, il m’en a parlé, pendant qu’on descendait ici en voiture. Il voulait savoir si je l’avais lu. »

« C’était en allemand ! »

“Oui ma chérie. Mais ca ne change rien,” dit la fille, en croisant les jambes. “Il disait que ces poèmes avaient été écrits par le seul grand poète de ce siècle. Il disait que j’aurais dû acheter une traduction ou quelque chose comme ça. Ou même apprendre la langue, pourquoi pas. »

“Affreux. Affreux. C’est triste, en fait, exactement. Ton père disait hier soir… »

“Une seconde, maman,” dit la fille. Elle retourna au fauteuil près de la fenêtre, prendre ses cigarettes, en alluma une, puis revint s’asseoir sur le lit. « Maman ? » dit elle, expirant la fumée.

“Muriel. Maintenant, écoute-moi.”

« Je t’écoute ».

“Ton père a parlé au Docteur Sivestski.”
“Oh?” dit la fille.

“Il lui a tout dit. Enfin, il dit qu’il l’a fait – tu connais ton père. Les arbres. Ce truc avec la fenêtre. Ces choses horrible qu’il a dites à Mamie sur ses projets de décès. Ce qu’il a fait avec toutes ces jolies photos des Bermudes – tout. »

“Et alors?” dit la fille.

“Alors. En premier lieu, il a dit que l’Armée avait été parfaitement criminelle en le laissant sortir de l’hôpital – ma parole d’honneur. Il a très clairement dit à ton père qu’il y avait un risque – un très grand risque, a-t-il dit — que Seymour perde complètement le contrôle de lui-même. Ma parole d’honneur. »

“Il y a un psychiatre ici, à l’hôtel, » dit la fille.

“Qui? Comment s’appelle-t-il?”

“Je ne sais pas. Rieser, quelque chose comme ça. On dit qu’il est très fort. »

“Jamais entendu parler de lui.”

“Oui, mais on dit quand même qu’il est très fort. »

“Muriel, ne fait pas ta maligne, s’il te plaît. Nous sommes très inquiets pour toi. Ton père voulait t’envoyer un télégramme, hier soir, pour te dire de rentrer à la maison, en f… »

“Je ne rentre pas maintenant, Maman. Alors du calme. »

“Muriel. Ma parole d’honneur. Le Docteur Sivetsk a dit que Seymour risqué de perdre complètement le contr…”

“Je viens d’arriver, Maman. Ce sont les premières vacances que je prends depuis des années, je ne vais pas tout remballer et rentrer à la maison, » dit la fille. « Je ne pourrais voyager maintenant, de toutes façons. J’ai tellement de coups de soleil que je peux à peine bouger. »

« Tellement de coups de soleil ? Tu n’as pas utilisé le pot de Bronze que j’ai mis dans ton sac ? J’en mets dès que… »

« J’en ai mis. mais j’ai des coups de soleil quand même. »

“C’est terrible. Où ça.”

“Partout ma chérie, partout.”

“C’est terrible.”

“J’y survivrai.”

“Dis moi, tu as parlé à ce psychiatre? »

“Eh bien, en quelque sorte,” dit la fille.

“Qu’a-t-il dit? Où était Seymour pendant que tu lui parlais?”

“Dans le Salon Océan, jouant du piano. Il a joué du piano tous les soirs, depuis que nous sommes arrivés. »

“Alors, qu’a-t-il dit?”

“Oh, pas grand chose. Il m’a parlé le premier. J’étais assise à côté de lui au Bingo, hier soir, et il m’a demandé si c’était mon mari qui jouait du piano dans la pièce d’à côté. J’ai dit que oui, c’était lui, et il m’a demandé si Seymour était malade, ou quelques chose. Alors j’ai dit… »

“Pourquoi a-t-il demandé ça?”

“Je ne sais pas, Maman. Je crois parce qu’il est si pâle, tout ça, » dit la fille. « Mais bon, après le Bingo, sa femme et lui m’ont demandé si je voulais aller prendre un verre avec eux. Et j’en ai pris un. Sa femme était horrible. Tu te souviens de cette affreuse robe de soirée que nous avons vue dans la vitrine de Bonwit? Celle dont tu avais dit qu’il fallait avoir un tout petit, petit… »

“La verte?”

“Elle la portait. Et toute en hanches. Elle n’arrêtait pas de me demander si Seymour était apparenté à cette Suzanne Glass qui a une boutique sur Madison Avenue – la modiste. »

“Qu’a-t-il dit, alors? Le docteur. »

“Oh, eh bien, pas grand chose, en fait. Je veux dire, nous étions dans un bar, tout ça. C’était très bruyant. »

“Oui, mais as tu – tu lui as dit ce qu’il avait essayé de faire avec la chaise de Mamie?”

“Non, maman. Je ne suis pas vraiment entrée dans les details,” dit la fille. “Mais j’aurais probablement l’occasion de lui reparler. Il passe ses journées au bar.”

“A-t-il dit qu’il y avait un risque qu’il puisse devenir – tu sais – bizarre, ou quelque chose? Qu’il te fasse quelque chose ! »

“Pas exactement”, dit la fille. « Il lui faudrait plus d’informations, maman. Il faut leur parler de son enfance – des choses comme ça. Je te l’ai dit, on pouvait à peine parler, c’était très bruyant là bas. »

“Bon. Comment est ton manteau bleu?”

“Très bien. J’ai fait enlever une partie de la doublure.”

“Et comment sont les vêtements, cette année?”

“Terribles, mais pas mettables. Avec des paillettes – tout ça, » dit la fille.

“Et votre chambre?”

“Bien. Mais juste bien. Nous n’avons pas peu avoir la chambre que nous avions eue avant la guerre,” dit la fille. « Les gens sont affreux, cette année. Tu devrais voir ce qui est assis à côté de nous au restaurant. A la table d’à coté, on dirait qu’ils sont venus ici en camion. »

“Oui, c’est partout pareil. Et ta robe de bal ? »

“Trop longue. Je t’ai dit qu’elle était trop longue.”

“Muriel, je vais te le demander une fois de plus – tu vas vraiment bien?”

“Oui, Maman”, dit la fille. « Pour la quatre vingt dixième fois. »

“Et tu ne veux pas rentrer à la maison?”

“Non, maman.”

“Ton père a dit hier soir qu’il serait ravi de payer si tu voulais faire un voyage toute seule, pour réfléchir à tout cela. Tu pourrais faire une jolie croisière. Nous avons pensé… »

“Non, merci,” dit la fille en décroisant ses jambes. « Maman, ce coup de fil va coûter une b… »

“Quand je pense que tu as attendu ce garçon pendant toute la guerre – je veux dire, quand je pense à toutes ces petites idiotes d’épouses qui… »

“Maman,” dit la fille, “il vaut mieux qu’on raccroche. Seymour va rentrer d’une minute à l’autre. »

“Où est il?”

“Sur la plage.”

“Sur la plage? Tout seul? Il se tient correctement, sur la plage?”

“Maman,” dit la fille, “tu en parles comme s’il s’agissant d’un fou furieux…”

“Je n’ai rien dit de tel, Muriel.”

“Eh bien, tu en donnes l’impression. Je veux dire, tout ce qu’il fait est de rester couché. Il n’enlève même pas son peignoir. »

“Il n’enlève même pas son peignoir? Pourquoi ? »

“Je ne sais pas. Parce qu’il est si pâle, je pense. »

“Mon Dieu, il a besoin du soleil. Tu ne peux pas le forcer?”

“Tu connais Seymour,” dit la fille, en recroisant les jambes. « Il dit qu’il ne veut pas qu’un tas d’imbéciles viennent regarder son tatouage. »

“Il n’a pas de tatouage! Il s’en est fait faire un à l’Armée ? »

“Non Maman. Non, non,” dit la fille en se levant. “Ecoute, je t’appelerai demain, peut être.”

“Muriel. Maintenant, écoute moi.”

“Oui, Maman,” dit la fille en mettant tout son poids sur sa jambe droite.

“Appelle moi s’il dit, ou fait, quoi que ce soit de bizarre – tu vois ce que je veux dire. Tu m’entends ? »

“Maman, je n’ai pas peur de Seymour.”

“Muriel, je veux que tu me le promettes.”

“D’accord, je promets. Au revoir, Maman,” dit la fille. « Embrasse Papa. » Elle raccrocha.

“C’est ma glace,” dit Sybil Carpenter, descendue à l’hôtel avec sa mère. « Est-ce que c’est ma glace ? »

“Chaton, arête de répéter cela. Tu rends Maman complètement folle. Tiens toi calme s’il te plait. »

Madame Carpenter était en train de mettre de la lotion solaire sur les épaules de Sybil, l’étalant sur les fines omoplates de son dos. Sybil était assise, en équilibre instable, sur un énorme ballon de plage, face à l’océan. Elle portait un maillot de bain jaune canari, deux pièces, dont l’une ne lui serait pas réellement nécessaire pour les neuf ou dix années à venir.

“Ce n’était qu’un mouchoir de soie tout simple – on s’en rendait compte quand on approchait,” disait la femme dans le fauteuil de plage à côté de celui de Madame Carpenter. « J’aimerais savoir comment elle l’attachait. C’était vraiment adorable. »

“Ca a l’air adorable,” acquiesce Madame Carpenter. “Sybil, tiens toi calme, mon chat.”

“Est que c’est ma glace?” dit Sybil.

Madame Carpenter soupira. “D’accord,” dit elle. Elle reboucha la bouteille de lotion solaire. « Maintenant, cours et va jouer, mon chat. Maman remonte à l’hôtel prendre un Martini avec Madame Hubbel. Je te rapporterai l’olive. »

Libérée, Sybil se précipita tout de suite vers la partie plate de la plage, et commença à marcher dans la direction du Pavillon des Pêcheurs. Ne s’arrêtant que pour enfoncer son pied dans les restes effondrés d’un château, elle se trouva bientôt hors de la zone réservée aux visiteurs de l’hôtel.

Elle marcha pendant environ un quart de mile, puis, soudain, se mit à courir en diagonale, remontant vers la partie couverte de sable fin. Elle s’arrêta net en atteignant l’endroit où un jeune homme était allongé sur le dos.

“Tu vas dans l’eau, c’est ma glace? » dit-elle.

Le jeune home se releva, la main droite serrant les pans de son peignoir d’éponge. Il se retourna sur le ventre, laissant une serviette roulée tomber de ses yeux, qu’il cligna vers Sybil.

“Hé, bonjour Sybil.”

“Tu vas dans l’eau?”

“Je t’attendais,” dit le jeune homme. « Quoi de neuf ? »

« Quoi ? » dit Sybil.

“Quoi de neuf? Qu’est ce qu’il y a au programme ? »

“Mon papa arrive demain dans un navion, » dit Sybil en donnant des coups de pied dans le sable.

“Pas dans ma figure, poupée,” dit le jeune homme, mettant sa main sur la cheville de Sybil. « Eh bien, il était temps qu’il arrive, ton papa. Je l’attends depuis des heures. Des heures. »

“Où est la dame?” dit Sybil.

“La dame?” le jeune homme fit tomber du sable de ses cheveux fins. « C’est difficile à dire, Sybil. Elle pourrait être en mille lieux différents. Chez le coiffeur. En train de se faire teindre les cheveux en noir corbeau. Ou en train de fabriquer des poupées, pour les enfants dans le besoin, dans sa chambre.” Allongé sur le ventre, maintenant, il serra les deux poings, les mis l’un sur l’autres, et posa son menton par-dessus. « Demande moi autre chose, Sybil, » dit il. « Tu as un drôlement joli maillot de bain. S’il y a une chose que j’aime, ce sont bien les maillots de bain bleus. »

Sybil le fixa, puis regarda vers le bas, son ventre tout rond. « C’est un jaune, » dit elle. « C’est un jaune. »

“Ah oui? Approche toi.” Sybil fit un pas en avant. “Tu as tout à fait raison. Je suis idiot. »

“Tu vas dans l’eau?” dit Sybil.

“Je l’envisage sérieusement. Je suis en train d’y réfléchir, Sybil, tu dois être ravie de l’apprendre. »

Sybil tâta la bouée de caoutchouc que le jeune homme utilisait parfois comme oreiller. « Il lui faut de l’air, » dit elle.

“Tu as raison. Il lui faut plus d’air que je ne suis prêt à lui en donner. » Il enleva ses poings, et reposa son menton sur le sable. « Sybil, » dit il, « tu as l’air en plein forme. Je suis content de te voir. Parle moi de toi. » Il tendit les bras devant lui, et attrapa les deux cheville de Sybil dans ses mains. « Je suis Capricorne, » dit il. « Tu es quoi ? »

“Sharon Lipschutz a dit que tu l’avais laissée s’asseoir sur le siege du piano avec toi,” dit Sybil.

“Sharon Lipschutz a dit ca?”

“Sybil hocha la tête vigoureusement.

Il lâcha ses chevilles, replia ses mains, et posa le côté de son visage sur son avant bras droit. « Eh bien, » dit il, « tu sais comment ces choses arrivent, Sybil. J’étais là, assis, jouant du piano. Tu n’étais pas dans le coin. Et Sharon Lipschutz est arrivée, et s’est assise à côté de moi. Je ne pouvais pas la faire tomber, hein ? »

“Si.”

“Oh, non. Non je ne pouvais pas faire ça,” dit le jeune homme. “Je vais de dire ce que j’ai fait, pourtant. »

“Quoi?”

“J’ai fait comme si c’était toi.”

Sybil s’accroupit, soudain, et commença à creuser dans le sable. « Allons dans l’eau, » dit-elle.

“D’accord,” dit le jeune homme. « Je crois que je peux y arriver. »

“La prochaine fois, pousse là,” dit Sybil.

“Pousser qui?”

"Sharon Lipschutz."

“Ah, Sharon Lipschutz,” dit le jeune homme. « Comme ce nom me revient. Mélangeant souvenir, et désir. » Il se leva soudain, et regarda l’océan. « Sybil, » dit il, « je vais te dire ce que nous allons faire. Voyons si nous pouvons attraper un poisson banane. »

“Un quoi?”

“Un poisson banane”, dit il en défaisant la ceinture de son peignoir. Il enleva son peignoir. Ses épaules étaient blanches et minces, et son maillot bleu roi. Il plia son peignoir, d’abord dans le sens de la longueur, puis en trois. Il déroula la serviette qu’il avait mise sur ses yeux, l’étala sur le sable, et posa le peignoir plié par-dessus. Il se pencha, attrapa la bouée, et la cala sous son bras droit. Puis, dans sa main gauche, il prit la main de Sybil.

Tous deux se mirent à marcher vers l’océan.

“J’imagine que tu as vu pas mal de poisons bananes, au cours de ta vie,” dit le jeune homme.

Sybil hocha la tête.

“Jamais? Mais tu vis où, alors? »

“Je ne sais pas,” dit Sybil.

“Bien sur que tu sais. Tu dois savoir. Sharon Lipschutz sait où elle habite, et elle n’a que trois ans et demi. »

Sybil s’arrêta de marcher, et retira sa main de la sienne. Elle ramassa un coquillage banal, et se mit à le regarder d’un air de profonde curiosité. Elle le jeta. « Whirly Wood, Connecticut », dit elle, en recommença à marcher, le ventre en avant.

“Whirly Wood, Connecticut,” dit le jeune homme. « Ca ne serait pas près de Whirly Wood, Connecticut, par hasard ? »

Sybil le regarda. “C’est là que j’habite,” dit elle impatiemment. « J’habite à Whirly Wood, Connecticut. » Elle courut quelques pas devant lui, attrapa son pied gauche de la main gauche, et sauta deux ou trois fois.

“Tu n’imagines pas à quel point cela rend tout plus clair,” dit le jeune homme.

Sybil relâcha son pied. “As-tu ‘le petit Sambo Noir’ ? » dit elle.

“C’est très amusant que tu me demandes cela,” dit il. « Il se trouve que je viens de le finir la nuit dernière. » Il tendit la main, et reprit celle de Sybil « Qu’est ce que tu en as pensé ? » lui demanda-t-il.

“Est ce que les tigres ont couru autour de l’arbre ? »

“j’ai cru qu’ils ne s’arrêteraient jamais. Je n’avais jamais vu autant de tigres. »

“Il n’y en avait que six,” dit Sybil.

“Seulement six!” dit le jeune homme. « Pour toi c’est ‘seulement’ ? »

“Tu aimes la cire?” demande Sybil.

“Si j’aime quoi?” demanda le jeune homme.

“La cire.”

“Beaucoup. Toi aussi?”

Sybil acquiesca. “Tu aimes les olives ? » demanda-t-elle.

“Les olives – oui. Des olives et de la cire. Je ne m’en sépare jamais.”

“Tu aimes Sharon Lipschutz?” demanda Sybil.

“Oui. Oui, je l’aime,” dit le jeune homme. « Ce que j’apprécie tout particulièrement chez elle, c’est quelle ne fait jamais rien de méchant aux petits chiens dans le lobby de l’hôtel. Ce tout petit bouledogue, par exemple, qui appartient à cette dame du Canada. Tu ne me croiras probablement pas, mais il y a des petites filles qui donnent des coups à ce petit chien avec des bâtons de ballons. Sharon ne fait pas cela. Elle n’est jamais méchante ou cruelle. C’est pour cela que je l’aime autant. »

Sybil ne répondit pas.

“J’aime mâcher des bougies,” dit elle finalement.

“Qui n’aime pas cela?” dit le jeune homme, les pieds dans l’eau. « Ooo ! C’est froid. » Il fit tomber la bouée de caoutchouc, à l’envers. « Non, attends un instant, Sybil. Attends qu’on soit un peu plus loin.
Ils pataugèrent jusqu’à ce que Sybil ait de l’eau jusqu’à la taille. Puis le jeune homme la souleva, et la posa sur le ventre, sur la bouée.

“Tu ne portes jamais de bonnet de bain, ou de chose comme ca?” demanda-t-il.

“Ne me lâche pas,” ordonna Sybil. « Tu me tiens bien. »

“S’il vous plait, mademoiselle Carpenter. Je connais mon métier, » dit le jeune homme. « Ouvrez bien grand vos yeux, et cherchez les poissons banane. C’est un jour rêvé pour les poissons bananes.

“Je n’en vois aucun,” dit Sybil.

“C’est compréhensible. Leurs moeurs sont très particulières. » Il continuait à pousser la bouée. L’eau n’atteignait pas encore sa poitrine. « Leur existence est très tragique, » dit il. « Tu sais ce qu’ils font, Sybil ? »

Elle hocha la tête.

“Eh bien, ils nagent jusqu’à une grotte, où il y a beaucoup de bananes. Ce sont des poissons d’apparence normale, quand ils y entrent. Mais une fois dedans, ils se comportent comme des cochons. En fait, j’ai entendu dire que certains poissons banane peuvent entrer dans une grotte de banane, et y manger jusqu'à soixante dix huit bananes. » Il rapprocha la bouée, et sa passagère, d’un pied vers l’horizon. « Naturellement, après cela, ils sont si gros, qu’il ne peuvent plus ressortir de la grotte. Ils ne passent plus par la porte. »

“Pas trop loin,” dit Sybil. « Qu’est ce qui leur arrive ? »

“Qu’est ce qui arrive à qui?”

“Aux poissons banane.”

“Oh, tu veux dire après qu’ils aient mange tant de bananes qu’ils ne peuvent ressortir de la grotte aux bananes ? »

“Oui,” dit Sybil.

“Eh bien, je suis désolé, Sybil. Mais ils meurent. »

“Pourquoi?” dit Sybil.

“Eh bien, ils attrapent la fièvre bananière. Une maladie terrible. »

“Voila une vague,” dit Sybil nerveusement.

“On va l’ignorer. On va la snobber,” dit le jeune homme. “Deux snobs.” Il prit les chevilles de Sybil dans ses mains, et les tira vers le bas et en avant. La bouée bascula sur le sommet de la vague. L’eau trempa les cheveux blonds de Sybil, mais ses cris étaient tout joyeux.

D’une main, quand la bouée fut à nouveau à plat, elle essuya une mèche de cheveux mouillés devant ses yeux, et annonça, “je viens d’en voir un.”

“Vu quoi, mon coeur?”

“Un poisson banane.”

“Mon Dieu, non!” dit le jeune homme. « Avait il des bananes dans la bouche ? »

“Oui” dit Sybil. “Six”.

Le jeune homme attrapa soudain un des pieds mouillés de Sybil, qui pendaient au bout de la bouée, et en embrassa la voûte.

“Eh!” dit la propriétaire du pied, se retournant.

“Eh, toi même. On rentre maintenant. Tu en as eu assez?”

“Non!”

“Désolé,” dit il, en poussant la bouée vers le rivage jusqu’à ce que Sybil en descende. Il la porta sur le reste du chemin.

“Au revoir,” dit Sybil, courant sans regrets vers l’hôtel.

Le jeune homme remit son peignoir, en referma les pans, et enfonça sa serviette dans sa poche. Il attrapa la bouée, encombrante et dégoulinante, et la mit sous son bras. Il partit seul, marchant lentement dans le sable chaud et fin, vers l’hôtel.

Dans l’entresol de l’hôtel, où la direction envoyait les baigneurs, une femme au nez couvert de pommade de zinc monta dans l’ascenseur avec le jeune homme.

“Je vois que vous regardez mes pieds,” lui dit il quand l’ascenseur eut démarré.

“Excusez moi?” dit la femme.

“Je dis que je vois que vous regardez mes pieds.”

“Je vous prie de m’excuser. Il se trouve que je regardais le sol, » dit la femme, se retournant vers la porte de l’ascenseur.

“Si vous voulez regarder mes pieds, dites le, » dit le jeune homme. « Mais ne faites pas ces maudites manières. »

“Je descends ici, s’il vous plaît, » dit rapidement la femme à la fille qui conduisait l’ascenseur.

Les portes s’ouvrirent et la fille sortit sans se retourner.

“J’ai deux pieds normaux et je ne comprends pas pour quelle maudite raison quelqu’un voudrait les fixer, » dit le jeune homme. « Cinquième, s’il vous plait. » Il sortit la clef de sa chambre de la poche de son peignoir.

Il descendit au cinquième étage, traversa le couloir, et entra dans la chambre 507. Elle sentait les valises de cuir neuf, et le dissolvant pour vernis à ongles.

Il jeta un coup d’oeil à la fille endormie sur l’un des lits jumeaux. Puis, il s’approcha d’une des valises, l’ouvrit, et, de sous une pile de caleçons et de maillots de corps, sortit un automatique Ortgies de calibre 7.65. Il en retira le magasin, le regarda, puis le remis en place. Il l’arma. Puis il traversa la pièce, alla s’assoir sur le lit jumeau vide, regarda la fille, visa, et se tira une balle dans la tempe droite.

mercredi 13 janvier 2010

Emily Dickinson - Je ne suis personne

I'm nobody! Who are you?
Are you nobody, too?
Then there's a pair of us - don't tell!
They'd banish us, you know!

How dreary to be somebody!
How public like a frog
To tell one's name the livelong day
To an admiring bog!


Je ne suis personne ! et toi?
Tu n'es personne aussi?
Alors nous sommes deux, tais toi!
Ils nous chasseraient, tu sais!

C'est terrible d'être quelqu'un!
Banal comme une grenouille
Qui crie son nom toutes la journée
A travers les marais!