vendredi 28 février 2014

Walt Whitman - Sur la plage la nuit

Sur la plage, la nuit

Sur la plage, la nuit,
Est une enfant avec son père
Qui regarde, à l’est, le ciel d’automne.

Là-haut dans les ténèbres
Tandis que les nuages affamés, nuages funéraires, étendent leur masses sombres
Et s’abattent, maussades, tête bêche, sur le ciel,
Dans une bande claire et transparente d’éther encore ouverte à l’est
S’élève calme et puissante l’étoile-reine Jupiter,
Et à portée de main, à peine au-dessus,
Nagent les Pléiades, délicates sœurs.

Sur la plage, l’enfant tient la main de son père,
Et ces nuages funéraires qui s’abattent vainqueurs, prêts à tout dévorer,
Regarde et pleure sans un mot.

Ne pleure pas, enfant
Ne pleure pas, mon amour
De ces baisers je sècherai tes larmes
Les nuages affamés ne seront pas longtemps vainqueurs
Ils ne sauront garder le ciel, et ne dévorent les étoiles qu’un instant
Jupiter reparaîtra, sois patiente, reviens un autre soir, les Pléiades reparaîtront
Elles sont immortelles, toutes ces étoiles d’argent et d’or resplendiront encore
Les grandes étoiles et les petites resplendiront encore, elles demeurent,
Les vastes soleils immortels, les vieilles lunes pensives brilleront de nouveau.

Alors ma chère enfant, ne pleures-tu que Jupiter ?
Ne contemples-tu que les funérailles des étoiles ?
Il est quelque chose,
(De mes lèvres qui t’apaisent, ajouté-je en un soupir,
Je t’apporte la suggestion, le problème et l’indirection)
Il est quelque chose de plus immortel encor que les étoiles,
(tant de funérailles, tant de jours, et de nuits, qui s’en vont)
Qui demeurera plus longtemps encore que la scintillante Jupiter,
Plus que le soleil, et les satellites qui tournent,
Plus que les Pléiades, radieuses sœurs.



On the beach at night

On the beach at night,
Stands a child with her father,
Watching the east, the autumn sky.

Up through the darkness,
While ravening clouds, the burial clouds, in black masses spreading,
Lower sullen and fast athwart and down the sky,
Amid a transparent clear belt of ether yet left in the east,
Ascends large and calm the lord-star Jupiter,
And nigh at hand, only a very little above,
Swim the delicate sisters the Pleiades.

From the beach the child holding the hand of her father,
Those burial-clouds that lower victorious soon to devour all,
Watching, silently weeps.

Weep not, child,
Weep not, my darling,
With these kisses let me remove your tears,
The ravening clouds shall not long be victorious,
They shall not long possess the sky, they devour the stars only in apparition,
Jupiter shall emerge, be patient, watch again another night, the Pleiades shall emerge,
They are immortal, all those stars both silvery and golden shall shine out again,
The great stars and the little ones shall shine out again, they endure,
The vast immortal suns and the long-enduring pensive moons shall again shine.

Then dearest child mournest thou only for Jupiter?
Considerest thou alone the burial of the stars?

Something there is,
(With my lips soothing thee, adding I whisper,
I give thee the first suggestion, the problem and indirection,)
Something there is more immortal even than the stars,
(Many the burials, many the days and nights, passing away,)
Something that shall endure longer even than lustrous Jupiter
Longer than sun or any revolving satellite,
Or the radiant sisters the Pleiades.

Bukowski - Art

comme
l'esprit
s'efface
la
forme
apparaît.


as the
spirit
wanes
the
form
appears.

Bukowski - L'enfer est un lieu solitaire

l’enfer est un lieu solitaire

il avait 65 ans, sa femme, 66, avait
la maladie d’Alzheimer.

Il avait un cancer de la
bouche.
avec des
opérations, des radio
thérapies
qui pourrissaient les os de sa
mâchoire
qu’on avait dû
appareiller.

tous les jours il mettait à sa femme des
couches de caoutchouc
comme pour un
bébé.

incapable de conduire dans son
état
il devait aller en taxi au
centre de
soins,
avait du mal à parler,
devait
écrire son chemin sur
un papier.

à sa dernière visite
ils l’ont informé
qu’il y aurait une nouvelle
opération : un peu plus
de joue
gauche et un peu plus
de langue.

quand il est rentré
il a changé les couches
de sa femme
mis les surgelés
au four, regardé le
journal du soir
puis est allé dans la
chambre, a pris
l’arme, l’a mis sur sa
tempe, a tiré.

elle est tombée à
gauche, il s’est assis sur le
canapé
a mis l’arme dans sa
bouche, et pressé la
détente.

les coups de feu n’ont pas alerté
les voisins.

après
les surgelés brûlés
l’ont fait.

quelqu’un est venu, a enfoncé
la porte, a
vu.

puis
la police est arrivée et
a suivi la
procédure, et trouvé
des choses :
un compte d’épargne
cloturé et
un chéquier avec un
solde de
1,14$.

suicide, ont-ils
conclu.

en trois semaines
il y avait deux
nouveaux locataires :
un informaticien
appelé
Ross
et sa femme
Anatana
qui étudiait
le ballet.

comme n’importe quel
couple
promis à un bel
avenir.


hell is a lonely place

he was 65, his wife was 66, had
Alzheimer's disease.

he had cancer of the
mouth.
there were
operations, radiation
treatments
which decayed the bones in his
jaw
which then had to be
wired.

daily he put his wife in
rubber diapers
like a
baby.

unable to drive in his
condition
he had to take a taxi to
the medical
center,
had difficulty speaking,
had to
write the directions
down.

on his last visit
they informed him
there would be another
operation: a bit more
left
cheek and a bit more
tongue.

when he returned
he changed his wife's
diapers
put on the tv
dinners, watched the
evening news
then went to the bedroom, got the
gun, put it to her
temple, fired.

she fell to the
left, he sat upon the
couch
put the gun into his
mouth, pulled the
trigger.

the shots didn't arouse
the neighbors.

later
the burning tv dinners
did.

somebody arrived, pushed
the door open, saw
it.

soon
the police arrived and
went through their
routine, found
some items:

a closed savings
account and
a checkbook with a
balance of
$1.14
suicide, they
deduced.

in three weeks
there were two
new tenants:
a computer engineer
named
Ross
and his wife
Anatana
who studied
ballet.

they looked like another
upwardly mobile
pair.

Robert Frost - En réparant le mur

En réparant le mur

Il y a quelque chose qui n’aime pas les murs,
Et envoie par dessous le sol gelé qui gonfle
Et répand au soleil les moellons du dessus
En laissant une brèche où deux passent de front.
Le travail des chasseurs est d’une autre nature :
Après qu’ils sont partis, j’ai souvent réparé
Quand il ne restait plus une pierre sur l’autre,
Mais qu’ils avaient pourtant débusqué le lapin
Et satisfait leurs chiens. Les brèches dont je parle,
Personne ne les a vues ni entendues faire,
Mais au printemps, quand on répare, elles sont là.
Je préviens mon voisin derrière la colline
Et nous nous retrouvons, un jour, sur cette ligne
Où nous allons remettre le mur entre nous.
Chemin faisant, nous gardons le mur entre nous,
A chacun les cailloux tombés de son côté.
Certains sont des boulets, si parfaitement ronds
Qu’il faut un sort pour les garder en équilibre :
‘Restez comme cela tant que l’on vous regarde !’
On s’abîme les doigts à les manipuler.
Oh, c’est uniquement un loisir de plein air,
Chacun de son côté, ça ne va pas plus loin.
Situé comme il est, le mur ne sert à rien :
Chez lui, c’est tout en pins, et chez moi en pommiers
Mes arbres n’oseront jamais s’aventurer
A manger les pommes de ses pins, je lui dis.
Il me répond : ‘les bons murs font les bons amis’.
Le printemps m’a rendu espiègle, et je voudrais
Voir si je peux lui inculquer quelques idées.
« Pourquoi font-ils les bons amis, n’est-ce pas là
Où il y a des vaches ? Pas de vaches ici.
Avant de construire un mur, j’aimerais savoir
Ce que je dois garder dehors ou bien dedans,
A qui je risquerais de porter préjudice.
Il y a quelque chose qui n’aime pas les murs,
Qui voudrait les abattre. » Je dirais ‘des lutins‘
Mais ce n’est pas exact, et je préfèrerais
Qu’il le dise lui-même. Il est là, devant moi,
Une pierre fermement tenue par le sommet
Dans chaque main, comme un sauvage armé de pierres.
Il donne l’impression de marcher dans le noir,
Mais pas celui des bois, ni l’ombre des forêts.
Il n’ira pas plus loin que ce mot de son père
Et très content de l’avoir si bien exprimé
Il me redit : « les bons murs font les bons amis ».


Mending wall

Something there is that doesn't love a wall,
That sends the frozen-ground-swell under it,
And spills the upper boulders in the sun,
And makes gaps even two can pass abreast.
The work of hunters is another thing:
I have come after them and made repair
Where they have left not one stone on a stone,
But they would have the rabbit out of hiding,
To please the yelping dogs. The gaps I mean,
No one has seen them made or heard them made,
But at spring mending-time we find them there.
I let my neighbor know beyond the hill;
And on a day we meet to walk the line
And set the wall between us once again.
We keep the wall between us as we go.
To each the boulders that have fallen to each.
And some are loaves and some so nearly balls
We have to use a spell to make them balance:
'Stay where you are until our backs are turned!'
We wear our fingers rough with handling them.
Oh, just another kind of out-door game,
One on a side. It comes to little more:
There where it is we do not need the wall:
He is all pine and I am apple orchard.
My apple trees will never get across
And eat the cones under his pines, I tell him.
He only says, 'Good fences make good neighbors'.
Spring is the mischief in me, and I wonder
If I could put a notion in his head:
'Why do they make good neighbors? Isn't it
Where there are cows?
But here there are no cows.
Before I built a wall I'd ask to know
What I was walling in or walling out,
And to whom I was like to give offence.
Something there is that doesn't love a wall,
That wants it down.' I could say 'Elves' to him,
But it's not elves exactly, and I'd rather
He said it for himself. I see him there
Bringing a stone grasped firmly by the top
In each hand, like an old-stone savage armed.
He moves in darkness as it seems to me~
Not of woods only and the shade of trees.
He will not go behind his father's saying,
And he likes having thought of it so well
He says again, "Good fences make good neighbors."

mardi 25 février 2014

Robert Frost - Le pré

Le pré

Je sors nettoyer la source du pré,
Juste le temps de ratisser les feuilles
(Et d’attendre de voir l’eau s’éclaircir)
Je ne serai pas long. – Viens, toi aussi.

Je sors récupérer le petit veau,
A côté de de sa mère. Il est si jeune,
Qu’il chancellerait quand elle le lêche.
Je ne serai pas long. – Viens, toi aussi.


The pasture

I'm going out to clean the pasture spring;
I'll only stop to rake the leaves away
(And wait to watch the water clear, I may):
I shan't be gone long. -- You come too.

I'm going out to fetch the little calf
That's standing by the mother. It's so young,
It totters when she licks it with her tongue.
I shan't be gone long. -- You come too.

dimanche 23 février 2014

Yu Jian - 14

Tu vas
Aboutir
Devenir une rose blanche
Même si tu as dans l’obscurité
Connu le désespoir
Et appris à hurler
Même si tu as bouché
Avec de l’encre et du chanvre
Tous les canaux
Toutes les veines
Qui mènent en Avril
Même si tu as vicieusement
Maudit
L’air
Le soleil et l’eau
Même si toute ton âme
Est opposée
A l’esquisse d’une rose
Même si tu as
Avant l’aube
Tenté de te tuer

Tu es destiné à aboutir
Destiné à devenir une rose
Ah
La lumière est irrésistible
En Avril elle entrera exacte et régulière
Dans ton obscurité depuis longtemps brisée
Ah
Rose blanche
Tu seras comme
Une rose
Ouverte
Aboutie
A l’heure dite payant son tribut aux abeilles
A l’heure dite donnant des images au poète
A l’heure dite se fanant


你将要 完成
成为一朵白玫瑰
即使你曾经在黑暗中
体验着绝望 学会了嚎叫
即使你把所有通向四月的
管道 茎脉
都用墨水和大麻 阻塞
即使你曾经恶毒地
诅咒过 空气 阳光和水
即使你的全部精神
都与玫瑰的图纸
背道而驰
即使你曾经在
天亮之前
演习了自杀

你注定要完成
你注定要成为一朵玫瑰
哦 光明是不可抗拒的
它将在四月准确而规则地进入
你早已残缺不全的黑暗
哦 白玫瑰 
你会象一朵
玫瑰
那样开放 
完成
按时向蜜蜂纳税
按时向诗人贡献隐喻
按时凋谢

samedi 22 février 2014

ee cummings - du mensonge du non

du mensonge du non
monte la vérité du oui
(elle seule et qui
l'est infiniment)

et fait comprendre aux imbéciles
(comme moi glacial) que toutes
les importances de l'esprit
ne valent pas une violette


out of the lie of no
rises a truth of yes
(only herself and who
illimitably is)

making fools understand
(like wintry me) that not
all matterings of mind
equal one violet

ee cummings - l'amour est un lieu

l’amour est un lieu
& dans ce lieu
d’amour passent
(dans le scintillement de la paix)
tous les lieux

oui est un monde
& sur ce monde de
oui vivent
(délicatement repliés)
tous les mondes


love is a place
& through this place of
love move
(with brightness of peace)
all places
yes is a world
& in this world of
yes live
(skilfully curled)
all worlds

vendredi 21 février 2014

Robert Frost - Une porte dans le noir

Une porte dans le noir

Marchant dans le noir d’une pièce à l’autre
Pour garder mon visage je tendais les bras
Mais j’avais oublié, il s’en fallait de peu,
De refermer l'arc en croisant les doigts.
Une étroite porte a passé ma garde
Et m’a donné sur la tête un tel coup
Que mes comparaisons se sont désaccordées.
Depuis, choses et gens ne vont plus par paires
Comme ils le faisaient auparavant.


The door in the dark

In going from room to room in the dark,
I reached out blindly to save my face,
But neglected, however lightly, to lace
My fingers and close my arms in an arc.
A slim door got in past my guard,
And hit me a blow in the head so hard
I had my native simile jarred.
So people and things don't pair any more
With what they used to pair with before.

mercredi 19 février 2014

Bukowski - le merle bleu

Le merle bleu

il y a dans mon coeur un merle bleu qui
voudrait sortir
mais je suis un dur
et je dis, restes y, je ne veux pas
que quelqu’un te
voie

il y a dans mon cœur un merle bleu qui
voudrait sortir
mais je l’arrose de whisky et avale
la fumée des cigarettes
et les putains et les barmans
et les épiciers
ne savent pas
qu’il
est là.

il y a dans mon cœur un merle bleu qui
voudrait sortir
mais je suis un dur,
je lui dis,
reste en bas, tu veux me
bousiller?
démolir
mon travail ?
massacrer mes ventes
en Europe?

il y a dans mon cœur un merle bleu qui
voudrait sortir
mais je suis trop malin, je ne le relâche
que certaines nuits
quand tout le monde dort.
et je lui dis, je sais que tu es là
alors ne soit pas
triste.

et puis je le remets,
alors il chante un peu
à l’intérieur, je ne l’ai jamais vraiment laissé
mourir
et nous dormons ensemble comme
ça
avec notre
pacte secret
et c’est tellement bien
qu’on en
pleurerait, mais je ne
pleure pas, et
toi ?


Bluebird

there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I'm too tough for him,
I say, stay in there, I'm not going
to let anybody see
you.

there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I pour whiskey on him and inhale
cigarette smoke
and the whores and the bartenders
and the grocery clerks
never know that
he's
in there.

there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I'm too tough for him,
I say,
stay down, do you want to mess
me up?
you want to screw up the
works?
you want to blow my book sales in
Europe?

there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I'm too clever, I only let him out
at night sometimes
when everybody's asleep.
I say, I know that you're there,
so don't be
sad.

then I put him back,
but he's singing a little
in there, I haven't quite let him
die
and we sleep together like
that
with our
secret pact
and it's nice enough to
make a man
weep, but I don't
weep, do
you?

Yu Jian - 40

Le réveille matin n’annonce pas certains moments
Il n’annonce pas la mort des dieux
Il n’annonce pas l’heure des jacqueries
Il n’annonce pas la grossesse de la louve
Ce petit réveil
Sur ma table
Cadran après cadran
Découpe mon temps
Comme on découpe
Un bloc de fonte sur un tour
A la fin il m’usinera
En une vis calibrée
Mais n’annoncera pas
L’âge où finalement
Je serai d’un coup de clef
Riveté


闹钟不报告另一类的时间
不报告上帝的死期 
不报告农民起义的日程
不报告母狼怀孕的时刻
小闹钟 在我的桌子上 一圈一圈
切削着我的时间 象切削
一只装在车床上的铸铁
它最终要把我车成一只
合格的螺丝
它不告诉我 
我最终被一只扳手拧紧
会在什么年龄

mardi 18 février 2014

Bukowski - Vous buvez?

Vous buvez ?

échoué, à terre, le vieux carnet jaune
ressorti
j’écris de mon lit
comme l’an
dernier.
verrai le docteur,
Lundi.
« c’est cela, docteur, jambes molles, vertiges, douleurs
à la tête et mon dos me
fait mal. »
« vous buvez ? », demandera-t-il.
« vous faites de
l’exercice, prenez des
vitamines ? »
je crois que je suis seulement malade
de vivre, toujours ces symptômes
banals mais
fluctuants.
même aux courses
je regarde passer les chevaux
et cela me parait
futile.
je pars avant la fin après avoir acheté des tickets
pour les suivantes.
« vous filez ? » demande l’employé
du motel,
« oui je m’ennuie », je réponds.
« quand vous vous ennuierez
là-bas », me dit-il, « vous nous
reviendrez »
alors me revoici
calé sur mes oreillers
une fois de plus
ce vieux bonhomme
ce vieil écrivain
avec un carnet
jaune.
quelque chose
marche
vers
moi
sur le plancher.
oh, ce n’est que
mon chat
cette
fois.



Are You Drinking?

washed-up, on shore, the old yellow notebook
out again
I write from the bed
as I did last
year.
will see the doctor,
Monday.
"yes, doctor, weak legs, vertigo, head-
aches and my back
hurts."
"are you drinking?" he will ask.
"are you getting your
exercise, your
vitamins?"
I think that I am just ill
with life, the same stale yet
fluctuating
factors.
even at the track
I watch the horses run by
and it seems
meaningless.
I leave early after buying tickets on the
remaining races.
"taking off?" asks the motel
clerk.
"yes, it's boring,"
I tell him.
"If you think it's boring
out there," he tells me, "you oughta be
back here."
so here I am
propped up against my pillows
again
just an old guy
just an old writer
with a yellow
notebook.
something is
walking across the
floor
toward
me.
oh, it's just
my cat
this
time.

lundi 17 février 2014

Yu Jian - Dossier Zero - Prologue, chapitres 1 à 3

Salle des dossiers


Au quatrième étage
Serrure après serrure
Dans une cellule
Le sien

Rangé dans un dossier
Preuve d’une existence
Deux étages plus loin

Il travaille au premier
Séparé du dossier
Par 50 mètres de couloir
Et 30 marches

Une pièce à nulle autre pareille
6 dalles de béton armé
3 portes
Pas de fenêtre

Une lampe fluorescente
Quatre extincteurs rouges
200 mètres carrés
Plus de mille serrures

Serrures de cadenas
Serrures encastrées
Serrures de tiroir
La plus grande de marque ‘éternelle’ accrochée dehors

Un étage
A gauche
Un étage
A droite
Encore à gauche
Encore à droite
Une serrure
Une serrure

Par un code secret
Enfin on entre à l’intérieur
Rangée de dossiers sur rangées de dossiers
L’un à côté de l’autre

L’autre au dessus de l’un
L’un en dessous de l’autre
L’autre devant l’un
L’un derrière l’autre

8 étages 64 rangs
Se répartissent plus d’une tonne de papier apprêté
De caractères noirs
De trombones et d’encre

Ses trente années
Un dossier sur 1800 dans un tiroir
Par un crochet
Maintenu

Pas vraiment épais
L’homme est encore jeune
Plus de 50 pages
40 000 caractères

En annexe
Une dizaine de cachets
Sept ou huit photos
Des empreintes digitales
Poids total 1000g

Ecritures différentes
Chacune couchée de gauche à droite
Retraits de deux cases
Une ligne entre deux paragraphes

D’une lettre à l’autre
Rien que noms définitions et adverbes
A propos de lui

Le premier tiers de sa vie
Ses dates
Des lieux
Des actes
Des personnages et des habitudes

Une pile sans verbes
Sagement rangée dans le noir
Qui ne bougera pas
Ne jaunira pas

Ne moisira pas
Ne brûlera pas
Pas de souris
Pas de microbes
Aucune bactérie

Recopiée soigneusement
Clairement
Proprement
Digne de foi

Il y est dit qu’on le tient pour un camarade
Qu’on lui a donné des papiers
Un salaire
Qu’on confirme son sexe

Il y est dit
Qu’il arrive au travail tous les jours à huit heures
Qu’il utilise du papier
De l’encre et du correcteur

Conçoit
Préface
Organise
Corrige
Relit
Toujours respecte la grammaire

D’un passage au suivant
Une main qui bouge
Stylo de gauche à droite
D’une lettre

A l’autre
De verbe en nom
D’évidence en métaphore
De… à…

Processus consommant de l’encre
Gestes d’un brave homme
Quelqu’un l’appelle « 0 »

Son corps prend le relais
Comme un 0 il se tourne et répond
On lui emprunte du papier

Son immeuble imperturbable
Sa position imperturbable
Cette lumière imperturbable

Ces cadenas imperturbables
Ces casiers imperturbables
Son dossier imperturbable



Chapitre 1 - Naissance


Ses origines n’ont rien de littéraire
Il est né des douleurs d’une accouchée de 28 ans

Une clinique renommée
Trois étages
Vecteurs d’infections
De médicaments
De médecins et de morgue

Qu’on doit chaque année rebadigeonner
Qui consomme beaucoup de gaze
De coton
De verre et d’alcool à brûler

Murs qui montrent leurs briques
Planchers aux veines effacées
Choses venues de corps humains

Remplaçant la peinture
Moins brillantes
Un peu souples
Inhumaines

Bistouri dépoli
Médecin de 48 ans
Infirmières toutes filles

Crie
Lutte
Pique
Injecte
Contamine
Sanglote
Barbouille

Tord
Attrape
Tire
Coupe
Déchire
Court
Lâche
Goutte
Suinte
Coule

Ces verbes
Tous présents
Ici tout n’est que verbes
Verbes tachés de sang

« La tête est sortie » voix compétente du médecin
Preuve : mains pleines de sang

Blouse blanche pleine de sang
Draps pleins de sang
Plancher plein de sang
Métal plein de sang

Preuves: “gynécologie obstétrique””ne pas cracher par terre””un seul enfant c’est mieux”

Références: rhumes à droite
Laryngites tout droit
« WC hommes »

Radiologie deuxième étage
Admissions 100 mètres à l’ouest en sortant
Chirurgie au 305

Piqûres queue rez-de-chaussée
Paiements queue guichet gauche
Queue des médicaments guichet droit

Un jour débordant de douleur
Un jour à bout de nerf
Un jour coupé et recousu

Jour de diagnostic et de rechute
Jour de gangrène et de rétablissement
Jour de mort et de naissance

Partout mots qui guérissent et mots malades
Mots qui veulent vivre et mots qui meurent
Partout

Gestes qui guérissent gestes de malades
Dernier geste au mourant premier au nouveau né

Toutes ces rengaines
Qui se collent
Sur ce nourrisson
Ce tout début
Cette première fois

Cette langue toute neuve
Cette gorge toute neuve
Ce crâne tout neuf
Ces testicules tout neufs

Objets vivants nés de ces verbes innombrables
Auxquels on a donné ce nom 0



Chapitre 2 - Croissance


Et son écoute a commencé
Et sa vue a commencé
Et ses gestes ont commencé

Les grands lui donnent à entendre
Les grands lui donnent à voir
Les grands lui donnent à bouger

Maman c’est ‘mère’
Papa c’est ‘père’
Mamie c’est ‘grand-mère’

Ces choses sombres
Troubles
Confuses
En charpie

Se précisent
Se clarifient
Entrent chacune dans les cases
Des cahiers d’exercices

Deviennent noms
Particules
Syllabes
Passés
Phrases
Voix passives

Préfixes
Deviennent idée
Sens
Définition
Littéral
Figuré
Ambigu

Deviennent interrogatives
Déclaratives
Juxtaposées
Figures rhétoriques
Notes sémantiques

Parasite des mots
Qui ne peut plus s’empêcher de les entendre
De les voir
De les rencontrer

Il y a des mots qui le révèlent
Et puis des mots qui le protègent
Au fil des mots du simple au compliqué
Du

Banal au profond
De l’enfantin au mûr
Du brut au raffiné
Ce petit homme

A un an sevré
A deux à la crèche
A quatre en maternelle
A six ans est cultivé

Du CP à la sixième
Attesté par
Le professeur Zhang
Cinquième quatrième troisième
Attestées par

Le professeur Wang
Seconde première
Attestées par
Le professeur Li
Enfin diplômé de l’université

Un mémoire
Sujet clair
Structure correcte
Plan solide
Style soigné

Argumentation recherchée
Force d’évocation
Une voix dans le désert
Grand talent littéraire
Beaucoup d’émotion

Appréciation : respecte ses professeurs
Se soucie de ses camarades
Combat l’individualisme
Jamais en retard

Se conforme au règlement
Aime le travail
Ne tire pas au flanc
Ne dit pas de gros mots
N’embête pas les filles

Ne ment pas
Combat la vermine
Se soucie d’hygiène
Ne prend aux masses ni une aiguille ni un fil
Toujours volontaire

Parle poliment
Bel esprit
Belle apparence
Se coupe les ongles
Dit monsieur
Dit madame

Soutient les grands pères
Donne le bras aux grand-mères
En classe garde ses mains dans son dos
Cherche vraiment à progresser

Ecoute attentivement
Prend des notes
Joyeux et dynamique
Modeste et effacé
Supporte effort et critique

Insuffisances :
N’aime pas la gymnastique
Bavarde parfois en cours
Ne se brosse pas souvent les dents

Annotation :
Rapport au professeur
A un jour dans la rue trouvé un centime
Et ne l’a pas remis au gentil policier

Observation :
Ce camarade a bon esprit
Mais ne parle pas beaucoup
On ne sait pas ce qu’il pense

Nous souhaitons que ses parents
Examinent son journal
Et nous en rendent compte de temps en temps
Dans l’intérêt de son éducation

Un rapport : ce deux Novembre 1968
J’ai fait quelque chose de mal

J’ai dessiné un tank sur un mur un mur immaculé un mur public un mur à tout le monde un mur collectif

Mur par moi dessiné d’un gros tank je me suis rendu coupable d’individualiste je promets de me réformer

Allergies aux médicaments : symptômes observés par les médecins
Sa mère et ses parents

« Chéri » trois fois par jour
4-6 comprimés par prise
Après usage plaques rouges sur le visage

« Gentil » trois fois par jour
Un comprimé par prise
Symptômes identiques
Rougeur moins forte

« Sage » (usage externe
En pommade) Après application patient sujet à somnolence

« Le grand méchant loup va venir
Maman ne veut plus de toi » (stimulant) après absorption sujet à vertiges

Présence d’oligo-élements : (aussi appelés Théragran) tendresse
Attention
Fleur
Herbe

Bourgeon
Pousse
Petit
Tendre
Doux
Doré
(25 milligrammes par comprimé)

Innocent
Pur
Puéril
Coquin
(25 mg par comprimé) touché
Emporté
Embrassé
Emmené
Tendrement regardé
Doucement caressé

Frôler
Bercer
Avertir
Réclamer
Prendre en main
Forger
Greffer

Façonner
Reprendre
Corriger
Eradiquer
Elever
Se soucier
Sans le vouloir blesser
(50 mg par comprimé)

Somnifères de marque : demain ou quand tu seras grand (traitement à vie)

Excipients : lait
Littérature
Pâtes de fruit
Histoire
Chocolat
Riz cantonais

Trois clartés soleil lune étoiles
Quatre poèmes airs odes hymnes
Tablettes de calcium
Travail volontaire
Huile de foie de morue

Fruits confits
Conférences
Causeries
Séminaires
Cinq mille ans
Un demi-siècle
Une dizaine d’années

Trois ans de suite
Gauche centre droite
Début
Milieu
Récemment
Sauté
Surgelé
Braisé

Frit
Grillé
Mariné
En sauce
Bouilli
Glutamate
Poivre
Sauce soja
Succès de

Honte de
Gloire de
Suite de
Destin de
Victoire de
Grandeur de
Foi de

Bulletin : excellent
Correct
A
Bon ensemble
95
Premier
Désigné le meilleur

Contrôle qualité : taille plus d’un mètre soixante dix
Poids 63 kilos
Tour de taille 8 pouces.

A des cheveux
Des fossettes
De la barbe
Des testicules
Des yeux
Deux biceps

Un trois pièces
Des enceintes
Un salaire
Des passions
De l’allure
De la tendresse

Sait s’émouvoir
Sait danser
Sait chanter
Sait rédiger
Sait parler
Sait dormir

De vraies oreilles
Un vrai nez
De vraies jambes
De vrais bras
Un vrai anus

Audition gauche droite
Un mètre cinquante
Palpation foie néant
Cœur poumon diaphragme RAS
(Signature du médecin)



Chapitre trois Amours (adolescence)


En ce jour baigné de soleil
Chaleur du monde propice à toute vie

Midi en Avril
Cette chaleur agaçante
Cette chaleur indécente
Cette

Chaleur en fleur en érection
Où tout ce qui vit veut se mouvoir
Se mouvoir et séduire

Tous ces corps
Toutes ces jointures
Toutes ces mains
Toutes ces jambes
Partout

Des gestes qu’on ne saurait nommer
Des actes dont on ne peut parler
Pas de vivats
Pas

De cris
Pas d‘annonces
Pas de slogans
Un jour banal
Qui ne passera pas à la postérité

Juste le détail d’un geste
Les parties d’un mouvement
Juste du corps

De la peau
Des membres
De la tige
Du tronc
Du rond

Du long
Du souple
Du doux
Du raide

De la sève
Du frottement
Du va et vient
Du halètement

Libération
Charge
Saccades
Jaillissement
Explosion

(Souvenir) Ce jour là
Eux
Camarades de classe
Tous âgés de 13 ans
Ont fait irruption

Dans les toilettes des garçons
Sur les murs étaient dessinées les choses interdites
Tous ces gestes
Geste de se masturber

Se masturber est le premier verbe
Le ticket pour la virilité
La main qui colle
Tout de suite fini

Tout chaud
Après cette douceur
Les petits Adams
Ne trouvent pas les mots pour se consoler

Les mots qu’ils voudraient ne sont pas dehors
Dehors c’est ce mot mon école
Ce mot classe

Dehors c’est parc
Etang
Tableau
Terrain de sport
Etude
Livre ces mots là

Rien à voir avec ce que fait leur main
Les petits gars n’y peuvent mais
Alors ils font un geste vague

Grognent des mots secrets
Se taquinent
Se racontent leurs expériences
Sortent des toilettes

Vont en cours
Ecoutent
Notent
Récitent
Testent
Répondent
Composent
Révisent

Observation : les 23 paragraphes ci-dessus à détruire
Ne pas reproduire
Ne pas imprimer
Ne pas publier



Chapitre trois – Version officielle - (le temps des amours)


A l‘âge légal
18 ans on peut parler mariage
Parler d’amour
Et faire les papiers

Amour et passion
Affaires personnelles
Histoire de bavardages
Qui réduisent une foule à quelques personnes

Puis à trois
Puis à deux
Histoire d’une langue qui se colle au palais

D’une mâchoire qui tombe
Histoire où l’on respire par le nez
De lèvres et de dents

Histoire qui approche et qui serre
D’une bouche qui s’avance
Histoire de deux lèvres rondes

Histoire d’ensemble et de solo
De sons durs et de sons doux
De consonnes et de voyelles
Bloqués et libres

Son brusques ou allongés
Nerveux ou détendus
Descendants ou montants
De langue et de dents

Bien sûr il faut se laver la tête
Le visage
Changer de chemise
Se rincer la bouche
Changer de chaussettes
Changer de chaussures
Se parfumer

Bien sûr il faut le meilleur
La meilleure
Les meilleures

Bien sûr à sept heures
Bien sûr la porte du parc
Bien sûr surveiller de loin et se faire attendre

Bien sûr les saules sur la rivière le vent du matin qui chasse la lune
Bien sûr deux napperons
Deux limonades

Bien sûr face à face mots ravalés rires étouffés ne rien vouloir dire que temps frais bel automne

Bien sûr âme soeur deux coeurs à l’unisson
Bien sûr profond
Idiot
Immense

Bien sûr s’aventurer
Devine
Vraiment
Sans blague
Bien sûr minauder
Intime

Bien sûr retenir
Contenir
Balancer
Bien sûr en larmes interroger les fleurs qui ne répondent pas

Bien sûr tant et tant
Plus et plus
Bien sûr tristesse douleur et désespoir

Bien sûr colère qui devient joie
Pleurs qui se changent en rire
Bien sûr douter
Hésiter
Tenter

Bien sûr n’y rien comprendre
S’imaginer
Sourire mystérieux
Bien sûr un mouchoir

Des moustiques
Une chenille
Des pissenlits
Une rose blanche

Bien sûr c’est le meilleur
Gravé dans la mémoire
Inoubliable
Unique

Pour toujours clair de lune
Pour toujours ruelles
Pour toujours vent qui souffle
Pour toujours crépuscule

Pour toujours onze heures
Pour toujours le parc ferme
Pour toujours réverbères
Pour toujours avenue

Pour toujours se quitter à regret
Pour toujours un dernier regard
Pour toujours une silhouette
Pour toujours l’éclat de ses yeux

C’est l’heure
Dépêche-toi
C’est l’heure
Dépêche-toi
Au revoir
Bill

Au revoir
Aurore
A demain
Prune
A demain
Belle
Au revoir
Laure
A demain
Rose

Résumé : écriture folle
Verbes intransitifs
Adjectifs
Noms
Adverbes modaux

Poème
Compare
Elevé
Fable
Légende
Anthropique
Sarcasme
Humour noir

Confession
Touchant
Néoclassique
Poème en prose
Assonance
Allitération
Rime

Dialectique
Ambivalence
Parnassien
Naturaliste
Symboliste
Iambique

Dire ceci penser cela petits mots vastes desseins l’ennemi avance je recule l’ennemi recule je le harcèle un pas en avant trois pas en arrière

Situation : (Réunion
Entrevue
Comité
Enregistrement
Camarades
Parents

Amis
Concierges
Responsables
Signataires
Greffiers)

Rassurant
Valable
Voulu
Rien à dire
Super
Tranquille
Assortis

Accord
Signe de tête
Approuver
Lever la main
Applaudir
Signer

Correct
Pas mal
C’est bon
Terrible
Tope là
C’est décidé

档案室

建筑物的五楼 锁和锁后面 密室里 他的那一份
装在文件袋里 它作为一个人的证据 隔着他本人两层楼
他在二楼上班 那一袋 距离他50米过道 30级台阶
与众不同的房间 6面钢筋水泥灌注 3道门 没有窗子
一盏日光灯 四个红色消防瓶 200平方米 一千多把锁
明锁 暗锁 抽屉锁 最大的一把是“永固牌” 挂在外面
上楼 往左 上楼 往右 再往左 再向右 开锁 开锁
通过一个密码 最终打入内部 档案柜靠着档案柜 这个在那个旁边
那个在这个上面 这个在那个底下 那个在这个前面 这个在那个后面
8排64行 分装着一吨多道林纸 黑字 曲别针和胶水
他那30年 1800个抽屉中的一袋 被一把钥匙 掌握着
并不算太厚 此人正年轻 只有50多页 4万余字
外加 十多个公章 七八张像片 一些手印 净重1000克
不同的笔迹 一律从左向右排列 首行空出两格 分段另起一行
从一个部首到另一个部首 都是关于他的名词 定语和状语
他一生的三分之一 他的时间 地点 事件 人物和活动规律
没有动词的一堆 可靠地呆在黑暗里 不会移动 不会曝光
不会受潮 不会起火 没有老鼠 没有病菌 没有任何微生物
抄写得整整齐齐 清清楚楚 干干净净 被信任着
人家据此视他为同志 发给他证件 工资 承认他的性别
据此 他每天八点钟来上班 使用各种纸张 墨水和涂改液
构思 开篇 布局 修改 校对 使一切循着规范的语法
从写到写 一只手的移动 钢笔从左向右 从一个部首
到另一个部首 从动词到名词 从直白到暗喻 从 •到 •
一个墨水渐尽的过程 一种好人的动作 有人叫道“0”
他的肉体负载着他 像0那样转身回应 另一位请他递纸
他的大楼丝纹未动 他的位置丝纹未动 那些光线丝纹未动
那些锁丝纹未动 那些大铁柜丝纹未动 他的那一袋丝纹未动


卷一 出生史

他的起源和书写无关 他来自一位妇女在28岁的阵痛
老牌医院 三楼 炎症 药物 医生和停尸房的载体
每年都要略事粉刷 消耗很多纱布 棉球 玻璃和酒精
墙壁露出砖块 地板上木纹已消失 来自人体的东西
代替了油漆 不光滑 略有弹性 与人性无关
手术刀脱铬了 医生48岁 护士们全是处女
嚎叫 挣扎 输液 注射 传递 呻吟 涂抹
扭曲 抓住 拉扯 割开 撕裂 奔跑 松开 滴 淌 流
这些动词 全在现场 现场全是动词 浸在血泊中的动词
“头出来了”医生娴熟的发音 证词:手上全是血
白大褂上全是血 被罩上全是血 地板上全是血 金属上全是血
证词:“妇产科”“请勿随地吐痰”“只生一个好”
调查材料:患感冒的往右去 得喉炎的朝前走 “男厕”
X光在三楼 住院部出了门向西走100米 外科在305
打针的在一楼排队 缴费的在左窗口排队 取药的排队在右窗口
挤满各种疼痛的一日 神经绷紧的一日 切割与缝合的一日
初诊和复发的一日 腐烂与痊愈的一日 死亡与诞生的一日
到处是治病的话与患病的话 求生的话与垂死的话 到处是
治病的行为与患病的行为 送终的行为与接生的行为
这老掉牙的一切 黏附着 那个头胎 那最初的 那第一次的
那条新的舌头 那条新的声带 那个新的脑瓜 那对新的睾丸
这些来自无数动词中的活动物 被命名为一个实词0


卷二 成长史

他的听也开始了 他的看也开始了 他的动也开始了
大人把听见给他 大人把看见给他 大人把动作给他
妈妈用“母亲” 爸爸用“父亲” 外婆用“外祖母”
那黑暗的 那混沌的 那朦胧的 那血肉模糊的一团
清晰起来 明白起来 懂得了 进入一个个方格 一页页稿纸
成为名词 虚词 音节 过去式 词组 被动语态
词缀 成为意思 意义 定义 本义 引义 歧义
成为疑问句 陈述句 并列复合句 语言修辞学 语义标记
词的寄生者 再也无法不听到词 不看到词 不碰到词
一些词将他公开 一些词为他掩饰 跟着词从简到繁 从
肤浅到深奥 从幼稚到成熟 从生涩到练达 这个小人
一岁断奶 二岁进托儿所 四岁上幼儿园 六岁成了文化人
一到六年级 证明人 张老师 初一初二初三 证明人
王老师 高一高二 证明人 李老师 最后他大学毕业
一篇论文 主题清楚 布局得当 层次分明 平仄工整
对仗讲究 言此意彼 空谷足音 文采飞扬 言志抒情
鉴定:尊敬老师 关心同学 反对个人主义 不迟到
遵守纪律 热爱劳动 不早退 不讲脏话 不调戏妇女
不说谎 灭四害 讲卫生 不拿群众一针一线 积极肯干
讲文明 心灵美 仪表美 修指甲 喊叔叔 叫阿姨
扶爷爷 挽奶奶 上课把手背在后面 积极要求上进
专心听讲 认真做笔记 生动活泼 谦虚谨慎 任劳任怨
不足之处:不喜欢体育课 有时上课讲小话 不经常刷牙
小字条:报告老师 他在路上拾到一分钱 没交民警叔叔
评语:这个同学思想好 只是不爱讲话 不知道他想什么
希望家长 检查他的日记 随时向我们汇报 配合培养
一份检查:1968年11月2日这一天 做了一件坏事
我在墙上画了一辆坦克洁白的墙公共的墙大家的墙集体的
墙被我画了辆大坦克我犯了自由主义一定要坚决改过
药物过敏史:症状来自医生 母亲等家长的报告
“宝贝”日服3回 每次4—6片 用药后面部有红斑
“好孩子”日服3回 每次1片 症状同上 红斑较轻
“乖”(外用 涂患处)涂抹后患者易发生嗜睡现象
“大灰狼来啦 妈妈不要你啦”(兴奋剂)服后患者易晕眩
微量元素配合表:(又名施尔康)爱护 关心 花朵 草
芽 苗苗 小的 嫩的 甜蜜的 金色的 (每片含25微克)
天真的 纯洁的 稚气的 淘气的 (每片含25微克)
牵着 领着 抱着 带着 慈祥地看着 温柔地抚摸着
轻拍 摇晃 叮咛 嘱咐 循循善诱 锤炼 嫁接
陶冶 矫治 校正 清除 培养 关怀 误伤 (各50微克)
名牌催眠灵:明天或等你长大了(终身服用)
填料:牛奶 语文 水果糖 历史 巧克力 鸡蛋炒饭
三光日月星 四诗风雅颂 钙片 义务劳动 鱼肝油
果珍 报告会 故事会 大会 五千年 半个世纪 十年来
连续三年 左中右 初叶 中叶 最近 红烧 冰镇 黄焖
油爆 叉烧 腌 卤 熬 味精 胡椒粉 生抽王 的成就
的耻辱 的光荣 的继续 的必然 的胜利 的伟大 的信心
成绩单:优 合格 甲 三好 95 一等 评比第一名
产品鉴定书:身高一米七以上 净重63公斤 腰8寸
有头发 有酒窝 有胡须 有睾丸 有眼珠 有肱二头肌
有三室一厅 有音响 有工资 有爱好 有风度 有爱心
会体贴 会跳舞 会唱歌 会写作 会说话 会睡觉
耳朵是耳朵 鼻子是鼻子 腿是腿 手是手 肛门是肛门
左右耳听力1.5公尺 肝未触及 心肺膈无异常(医师签字)


卷三 恋爱史(青春期)

在那悬浮于阳光中的一日 世界的温度正适于一切活物
四月的正午 一种骚动的温度 一种乱伦的温度 一种
盛开勃起的温度 凡是活着的东西都想动 动引诱着
那么多肌体 那么多关节 那么多手 那么多腿 到处
都是无以命名的行为 不能言说的动作 没有呐喊 没有
喧嚣 没有宣言 没有口号 平庸的一日 历史从未记载
只是动作的各种细节 行为的各种局部 只是和肉体有关
和皮肤有关 和四肢有关 和茎有关 和根有关 和圆的有关
和长的有关 和弹性的有关 和柔软的有关 和坚硬的有关
和汁液有关 和磨擦有关 和交流有关 和透气有关
和开放有关 和进攻有关 和蹦踢 喷射 冲刺有关
(回忆)那一日 他们 同班男生 全是13岁 湧进来
学校的男厕 墙上画着禁止的一切 好多动作 手淫这个动作
手淫是最初的动词 男人的入场券 手黏乎乎 立刻完事
温度正好 尝到了那种小甜头 亚当们 找不着词儿宽恕自己
他们要的词外面没有 外头是母校这个名词 教室这个名词
外头是花园 水池 黑板 大操场 阅览室 书这些名词
和他手上的活毫不相干 男孩们憋得慌 只好做些暧昧的手势
编了些暗语来咕噜 互相逗着 交谈那种体验 走出公厕
去上课 听讲 记录 背诵 测验 答问 考试 温习
批复:把以上23行全部删去 不得复印 发表 出版


卷三 正文(恋爱期)

法定的年纪 18岁可以谈论结婚 谈出恋爱 再把证件领取
恋与爱 个人问题 这是一个谈的过程 一个一群人递减为几个人
递减为三个人 递减为两个人的过程 一个舌背接触硬颚的过程
一个软颚下垂 气流从鼻腔通过的过程 一个下唇与上齿
接近或靠拢的过程 一个嘴唇前伸 两唇构成圆形的过程
一个聚音对分散音 糙音对润音 浊音对清音 受阻对不受阻
突发音对延续音 紧张对松弛 降调对升调 舌头对撮口的过程
当然要洗头 洗脸 换衬衣 漱口 换袜子 换皮鞋 洒香水
当然是最好的那一套 最好的那一条 最好的那一种
当然是七点到 当然是公园门口 当然是眺望与姗姗来迟
当然是杨柳岸晓风残月 当然是两张纸垫着 两瓶汽水
当然是相对无言欲言又止掩口一笑欲说还休却道天凉好个秋
当然是志同道合心心相印 当然是深深地 痴痴地 长长地
当然是摸底 你猜猜 “真的 不骗你” 当然是娇嗔 亲昵
当然是含着 噙着 荡漾着 当然是泪眼问花花不语
当然是多么多么 非常非常 当然是忧伤 悲哀 绝望
当然是转怒为喜 破涕为笑 当然是迟疑 踌躇 试探
当然是摸不透 推测 谜一样的笑容 当然是一块小手绢
一群蚊子 一只毛毛虫 一株蒲公英 一朵白玫瑰
当然是最最最好 刻骨铭心 难忘的 只有一次的
永恒啊月光 永恒啊小路 永恒啊起风了 永恒啊夜幕
永恒啊11点 永恒啊公园关大门 永恒啊路灯 永恒啊长街
永恒啊依依 永恒啊回眸 永恒啊背影 永恒啊秋波
时间到了 请赶紧 时间到了 请赶紧 再见 比尔
再见 露 下次 梅 下次 华 再见 桂珍 下次 兰
总结:狂草 不及物动词 形容词 名词 情态状语
赋 比 兴 寓言 神话 拟人法 反讽 黑色幽默
自白派 通感 新古典主义 口语诗 头韵 腹韵 尾韵
矛盾修辞 功能性含混 玉台体 天籁 象征 抑扬格
言此意彼词近旨远敌进我退敌退我扰道高一尺魔高一丈
表态:(大会 小会 居委会 登记的 同志们 亲人们
朋友们 守门的 负责的 签字的 盖章的)
安全 要得 随便 没说的 真棒 放心 般配
同意 点头 赞成 举手 鼓掌 签字
可以 不错 好咧 真棒 行嘛 一致通过

dimanche 16 février 2014

Walt Whitman - Je chante le soi-même

Je chante le soi-même

Je chante le soi-même, l’individu simple et distinct,
Et pourtant prononce le mot Démocratique, le mot Masse.

De pied en cap je chante la physiologie
Ni la physionomie ni le cerveau ne suffisent à la Muse, et je dis que la Forme, entière, vaut bien plus,
Je chante le féminin comme le masculin.

La vie, immense en sa passion, en son élan, en sa puissance,
Joyeuse, promise à la liberté par la volonté de Dieu
Je chante l’homme d’aujourd’hui



One’s-self I sing


One's-self I sing, a simple separate person,
Yet utter the word Democratic, the word En-Masse.

Of physiology from top to toe I sing,
Not physiognomy alone nor brain alone is worthy for the Muse, I say
the Form complete is worthier far,
The Female equally with the Male I sing.

Of Life immense in passion, pulse, and power,
Cheerful, for freest action form'd under the laws divine,
The Modern Man I sing.


mardi 4 février 2014

Yu Jian - 71

71


死亡的道路
并不通向黑暗中的棺材或者焚尸炉
而是由优美的诗句筑成
例如
那些鸟巢的梦
是在光辉中变成飞机场

Le chemin de la mort
N’est pas celui qui dans le noir mène au cercueil et au crématoire
Mais est pavé de strophes magnifiques
Semblable
A ces rêves d’un nid
Qui dans la lumière deviennent des aéroports

lundi 3 février 2014

Yu Jian - 17

Il est un bonheur que je n’ai jamais éprouvé
Un bonheur qu’Hitler n’a jamais éprouvé
Il ne pouvait que donner des ordres à des généraux
Je ne puis qu’écrire avec obstination
Mais aucun de nous n’a ressenti
La joie de la machine à laver
Dont le tambour inoxydable
Trouve tous les vêtements
Sales
Trouve les culottes de la jeune fille
Tachées
Trouve les mouchoirs du bébé
Infects
Trouve que la cotte de l’ouvrier
Dissimule sa crasse
Trouve que les robes de bal et les queues de pie
Mériteraient d’être lavées

Ce sentiment est partagé
Par l’humanité toute entière
Aussi
Pour un monde irréprochable
Les habits de toutes les couleurs
Et de toutes les coupes
La soie d’orient le lin d’occident
Tous
Sont jetés
Dans le tambour obscur
De la machine à laver
Qui jour et nuit
Dans tous les foyers du monde
Tourne
Les fleuves peuvent s’assécher
Les gouvernements tomber
Jamais
Une bataille de Stalingrad ne fera
Que la machine à laver
Qui ne distingue pas un uniforme d’un mouchoir
S’arrête

有一种快感我从未体验
有一种快感希特勒从未体验
他只能命令将军们去干这样的事
我只能在写作中一意孤行
但我们都不能体验
那是洗衣机的快感
不锈钢的缸体 把一切纺织物都视为
肮脏
把少女的内裤视为 污点
把婴儿的手帕视为 细菌
把劳动者的工作服视为 
藏圬纳垢之所
把旗袍和燕尾服视为
要洗一洗的
它的看法获得全人类 
无一例外的支持
于是
为了一个清洁卫生的世界
它把花花绿绿 形形色色的纺织品
东方的丝绸和西方的亚麻布
全部 纳入 
黑色的缸体
洗衣机 日日夜夜
在世界的每一个家庭中 旋转 
河流会枯竭 政权会垮台 
但永远不会有
斯大林格勒战役发生
让一部不能区别头巾和军装的
洗衣机
停下来

dimanche 2 février 2014

Larkin - Heureux qui comme Ulysse

Heureux qui comme Ulysse

Remontant l’Angleterre sur une autre ligne
Plus tôt que d’habitude, par un froid nouvel an
A un arrêt, je vis des gens, avec des numéros
Qui couraient sur le quai vers l‘entrée familière
« Tiens, Coventry ! » je m’exclamai, « C’est là que je suis né »

Je me penchais, clignais, cherchais un signe
Qui indiquât l’endroit où si longtemps
J’avais été « chez moi », mais voyais bien
Que je ne savais plus où était quoi. Etait-ce de là bas
Sous ces piles de caisses que nous partions tous les ans

Pour nos congés payés… Un sifflet retentit
Tout bougea, je me rassis, regardant mes bottines.
« Eh bien, dit mon ami, c’est ici que tu as tes racines ? »
Non, c’est juste là que mon enfance se vida,
Je voulais lui répondre, là que j’ai débuté :

Maintenant, le plan des lieux m’est revenu
Notre jardin d’abord, où je n’inventai pas
D’aveuglantes théologies de fleurs et de fruits,
Où jamais un vieux monsieur ne s’adressa à moi.
Et puis il y a cette merveilleuse fratrie

Où jamais, malheureux, je ne me suis enfui
Les garçons tout en muscles, les filles toute poitrine
Leur vieux tacot marrant, leur ferme où je pouvais
« Enfin être moi-même ». Et je vous montrerai, aussi
Ces fougères, au milieu desquelles, tout tremblant

Je n’ai pas résolu de le faire, quand elle s’allongerait
Et que « tout disparaîtrait dans un feu brûlant »
Et ces bureaux, où mes gribouillages
Ne furent pas imprimés en petit-romain, ni lus
Par un honorable cousin de notre maire

Qui n’a pas appelé, n’a pas dit à mon père
Ici, devant nous, si nous pouvions lire le futur -
« Tu sembles vraiment détester cet endroit,
Dit mon ami, rien qu’à voir ton visage, - Oui,
Mais ce n’est peut être pas de sa faute », ai-je dit

Rien, comme tout, peut arriver partout.


I Remember, I Remember

Coming up to England by a different line
For once, early in the cold new year,
We stopped, and, watching men with number-plates
Sprint down the platform to familiar gates,
'Why, Coventry!' I exclaimed. 'I was born here'

I leant far out, and squinnied for a sign
That this was still the town that had been 'mine'
So long, but found I wasn't even clear
Which side was which. From where those cycle-crates
Were standing, had we annually departed

For all those family hols? . . . A whistle went:
Things moved. I sat back, staring at my boots.
'Was that,' my friend smiled, 'where you "have your roots" ?'
No, only where my childhood was unspent,
I wanted to retort, just were I started:

By now I've got the whole place clearly charted.
Our garden, first: where I did not invent
Blinding theories of flowers and fruits,
And wasn't spoken to by an old hat.
And here we have that splendid family

I never ran to when I got depressed,
The boys all biceps and the girls all chest,
Their comic Ford, their farm where I could be
'Really myself'. I'll show you, come to that,
The bracken where I never trembling sat,

Determined to go through with it; where she
Lay back, and 'all became a burning mist'.
And, in those offices, my doggerel
Was not set up in blunt ten-point, nor read
By a distinguished cousin of the mayor,

Who didn't call and tell my father There
Before us, had we the gift to see ahead -
'You look as if you wished the place in Hell,'
My friend said, 'judging from your face.' 'Oh well,
I suppose it's not the place's fault,' I said.

Nothing, like something, happens anywhere.


Yu Jian - 16

Les samedis de machine à laver
Le plaisir de tourner
Abime les habits du maître
Abime leurs couleurs vives
Abime leur mauvaise qualité
Abime ceux qu’on ne saurait porter dans les dîners
Abime
Pour que jour après jour
Tout reste propre
Le seul épargné est un pull en laine
Qui exige un cycle différent
Son rêve ?
A la jupe rouge
De la maîtresse de maison
Etre assorti

洗衣机的星期六
旋转的快感 将主人的布磨损
磨损它的鲜艳 磨损它的粗糙
磨损它不适应于宴会的部分
磨损 让人日复一日 保持干净
幸福的是一件羊毛衣
它要求与众不同的转速
它的愿望 是与女主人的
红裙子 匹配