La Cause et l’Effet
les meilleurs souvent meurent de leur propre main
juste pour partir,
et ceux qui restent
ne comprennent jamais
comment quelqu’un
a pu vouloir
les
quitter
Cause And Effect
the best often die by their own hand
just to get away,
and those left behind
can never quite understand
why anybody
would ever want to
get away
from
them
dimanche 23 mars 2014
Bukowski - Eh oui
Eh Oui
il y a des choses pires que
d’être seul
mais il faut souvent des décennies
pour s’en rendre compte
et la plupart du temps
quand cela arrive
c’est trop tard
et il n’y rien de pire
que
trop tard.
Oh Yes
there are worse things than
being alone
but it often takes decades
to realize this
and most often
when you do
it's too late
and there's nothing worse
than
too late.
il y a des choses pires que
d’être seul
mais il faut souvent des décennies
pour s’en rendre compte
et la plupart du temps
quand cela arrive
c’est trop tard
et il n’y rien de pire
que
trop tard.
Oh Yes
there are worse things than
being alone
but it often takes decades
to realize this
and most often
when you do
it's too late
and there's nothing worse
than
too late.
Libellés :
anglais,
Charles Bukowski (1920-1994)
samedi 22 mars 2014
Padgett - Album
Les images mentales que j’ai de mes parents de mes grand parents et de mon enfance commencent à se briser en petits morceaux et s’envolent loin de moi dans l’espace vide , portées par un vent qui m’attire à lui toujours si doucement, si doucement qu’il ne dresse pas un cheveu sur mon crâne (même si en vérité il en reste bien peu à dresser). Je commence à prendre l’idée que la mort est la fin de la vie plus au sérieux qu’auparavant. Je me suis longtemps demandé pourquoi certains semblent trouver la vie triste ou tragique. N’est-elle pas aussi amusante et comique ? Et au-delà, n’est-elle pas étonnante et merveilleuse ? Oui, mais seulement quand elle est là. Et elle commence à me quitter. Les images se désintègrent, comme si leurs molécules disaient : « j’en ai assez,» et se préparaient à partir ailleurs former une autre configuration. Elles nous trahissent, ces molécules, nous qui les avons tant aimées. Elles nous le rendent mal.
The mental pictures I have of my parents and grandparents and my childhood are beginning to break up into small fragments and get blown away from me into empty space, and the same wind is sucking me toward it ever so gently, so gently as not even to raise a hair on my head (though the truth is that there are very few of them to be raised). I'm starting to take the idea of death as the end of life somewhat harder than before. I used to wonder why people seemed to think that life is tragic or sad. Isn't it also comic and funny? And beyond all that, isn't it amazing and marvelous? Yes, but only if you have it. And I am starting not to have it. The pictures are disintegrating, as if their molecules were saying, "I've had enough," ready to go somewhere else and form a new configuration. They betray us, those molecules, we who have loved them. They treat us like dirt.
The mental pictures I have of my parents and grandparents and my childhood are beginning to break up into small fragments and get blown away from me into empty space, and the same wind is sucking me toward it ever so gently, so gently as not even to raise a hair on my head (though the truth is that there are very few of them to be raised). I'm starting to take the idea of death as the end of life somewhat harder than before. I used to wonder why people seemed to think that life is tragic or sad. Isn't it also comic and funny? And beyond all that, isn't it amazing and marvelous? Yes, but only if you have it. And I am starting not to have it. The pictures are disintegrating, as if their molecules were saying, "I've had enough," ready to go somewhere else and form a new configuration. They betray us, those molecules, we who have loved them. They treat us like dirt.
Libellés :
anglais,
Ron Padgett (1942-)
Yu Jian - 75
(à Elytis, prix Nobel de littérature)
Grèce
Ton éclat s’est terni
Tes poètes sont émasculés
Pays d’Hélène
Qui maintenant a peur de se marier
Le sang de tes héros ne coulera plus
Pour les beautés
Tachant de rouge la mer Egée
Grèce
Ton étoile s’est éteinte
Dans les îles obèses
Les touristes regardent
Le poète au visage pâle
Qui mène sa barque lyrique
Et bouture
Des algues surréalistes
(致诺贝尔文学奖得主埃里蒂斯)
希腊啊 你已经光芒暗淡
你的诗人已经没有阳具
海伦的国 竟有人害怕婚姻
再也不会有英雄的血
为美人们 染红爱琴海
希腊啊 你的星已经落下
肥胖的岛屿之间 旅游者们看见
面色苍白的诗人 摇着抒情的船
在把超现实的海藻
无性繁殖
Grèce
Ton éclat s’est terni
Tes poètes sont émasculés
Pays d’Hélène
Qui maintenant a peur de se marier
Le sang de tes héros ne coulera plus
Pour les beautés
Tachant de rouge la mer Egée
Grèce
Ton étoile s’est éteinte
Dans les îles obèses
Les touristes regardent
Le poète au visage pâle
Qui mène sa barque lyrique
Et bouture
Des algues surréalistes
(致诺贝尔文学奖得主埃里蒂斯)
希腊啊 你已经光芒暗淡
你的诗人已经没有阳具
海伦的国 竟有人害怕婚姻
再也不会有英雄的血
为美人们 染红爱琴海
希腊啊 你的星已经落下
肥胖的岛屿之间 旅游者们看见
面色苍白的诗人 摇着抒情的船
在把超现实的海藻
无性繁殖
Libellés :
chinois (moderne),
Yu Jian 于坚 (1954-)
mercredi 19 mars 2014
Padgett - Les variations Goldberg
Les Variations Goldberg
En entendant Glenn Gould parler
à la radio aujourd’hui - une voix d’autrefois –
j’ai compris que si excentrique si
compliqué si grincheux qu’il ait été
je sais que j’aurais cru tout ce qu’il disait
et je l’ai cru, ses phrases étaient si bien
conçues, et ses mots si précis,
que pendant un instant
j’ai regretté de ne pas l’avoir connu même si
je ne crois pas que j’aurais pu lui parler toute la nuit
au téléphone encore que
peut-être surtout quand
j’étais assez jeune pour me tuer pour l’art.
The Goldberg Variations
When I heard Glenn Gould talking
on the radio today – his voice from long ago –
I knew no matter how eccentric how
difficult how crabby he might have been
I knew I’d trust whatever he had to say
and I did, so well-structured his sentences
were, and precise his words,
and for a moment
I felt regret I never knew him though
I don’t think I could have talked all night
on the phone with him but then
maybe I would have especially when
I was young enough to kill myself for art.
En entendant Glenn Gould parler
à la radio aujourd’hui - une voix d’autrefois –
j’ai compris que si excentrique si
compliqué si grincheux qu’il ait été
je sais que j’aurais cru tout ce qu’il disait
et je l’ai cru, ses phrases étaient si bien
conçues, et ses mots si précis,
que pendant un instant
j’ai regretté de ne pas l’avoir connu même si
je ne crois pas que j’aurais pu lui parler toute la nuit
au téléphone encore que
peut-être surtout quand
j’étais assez jeune pour me tuer pour l’art.
The Goldberg Variations
When I heard Glenn Gould talking
on the radio today – his voice from long ago –
I knew no matter how eccentric how
difficult how crabby he might have been
I knew I’d trust whatever he had to say
and I did, so well-structured his sentences
were, and precise his words,
and for a moment
I felt regret I never knew him though
I don’t think I could have talked all night
on the phone with him but then
maybe I would have especially when
I was young enough to kill myself for art.
Libellés :
anglais,
Ron Padgett (1942-)
mardi 18 mars 2014
Padgett - Rialto
Quand ma mère disait Allons au Rialto
je n’ai jamais pensé que ce mot Rialto
était bizarre ou étranger ou désignait autre chose
que ce théâtre Rialto de ma ville natale
tout comme l’Orpheum, dont le nom n’était qu’un phonème
sans trace du dieu des Poètes, même si
plus tard on me parlerait de lui et du pont
et je comprendrais que les dieux et les ponts volent invisibles
traversent l’océan et changent de forme et se posent
dans une ville natale où ils continuent de vivre
jusqu’à ce que vienne le temps de s’envoler encore et de recommencer
à être des phonèmes parfaitement neutres dans l’esprit
des innocents et des ouverts
sur le chemin du Ritz.
When my mother said Let’s go down to the Rialto
it never occurred to me that the name Rialto
was odd or from anywhere else or meant anything
other than Rialto the theatre in my hometown
like the Orpheum, whose name was only a phoneme
with no trace of the god of Poetry, though
later I would learn about him and about the bridge
and realize that gods and bridges can fly invisibly
across the ocean and change their shapes and land
in one’s hometown and go on living there
until it’s time to fly again and start all over
as a perfectly clean phoneme in the heads
of the innocent and the open
on their way to the Ritz.
je n’ai jamais pensé que ce mot Rialto
était bizarre ou étranger ou désignait autre chose
que ce théâtre Rialto de ma ville natale
tout comme l’Orpheum, dont le nom n’était qu’un phonème
sans trace du dieu des Poètes, même si
plus tard on me parlerait de lui et du pont
et je comprendrais que les dieux et les ponts volent invisibles
traversent l’océan et changent de forme et se posent
dans une ville natale où ils continuent de vivre
jusqu’à ce que vienne le temps de s’envoler encore et de recommencer
à être des phonèmes parfaitement neutres dans l’esprit
des innocents et des ouverts
sur le chemin du Ritz.
When my mother said Let’s go down to the Rialto
it never occurred to me that the name Rialto
was odd or from anywhere else or meant anything
other than Rialto the theatre in my hometown
like the Orpheum, whose name was only a phoneme
with no trace of the god of Poetry, though
later I would learn about him and about the bridge
and realize that gods and bridges can fly invisibly
across the ocean and change their shapes and land
in one’s hometown and go on living there
until it’s time to fly again and start all over
as a perfectly clean phoneme in the heads
of the innocent and the open
on their way to the Ritz.
Libellés :
anglais,
Ron Padgett (1942-)
Padgett - le poète en oiseau immortel
Le poète en oiseau immortel
Il y a une seconde mon cœur a fait boum
et je me suis dit : « mauvais moment
pour mourir d’une crise cardiaque, au
milieu d’un poème », puis me suis rassuré
à l’idée que personne à ma connaissance
n’est jamais mort en train d’écrire
un poème, tout comme les oiseaux ne meurent jamais en plein vol.
Je crois.
Poet as Immortal Bird
A second ago my heart thump went
and I thought, “This would be a bad time
to have a heart attack and die, in the
middle of a poem,” then took comfort
in the idea that no one I ever heard
of has ever died in the middle of writing
a poem, just as birds never die in midflight.
I think.
Il y a une seconde mon cœur a fait boum
et je me suis dit : « mauvais moment
pour mourir d’une crise cardiaque, au
milieu d’un poème », puis me suis rassuré
à l’idée que personne à ma connaissance
n’est jamais mort en train d’écrire
un poème, tout comme les oiseaux ne meurent jamais en plein vol.
Je crois.
Poet as Immortal Bird
A second ago my heart thump went
and I thought, “This would be a bad time
to have a heart attack and die, in the
middle of a poem,” then took comfort
in the idea that no one I ever heard
of has ever died in the middle of writing
a poem, just as birds never die in midflight.
I think.
Libellés :
anglais,
Ron Padgett (1942-)
ee cummings - au Juste
Au Juste-
printemps quand le monde est boue-
délicieux le petit
hommeauballon boiteux
siffle au petit large
et eddieetbill arrivent
en courant des billes et
des pirates et c’est le
printemps
quand le monde est flaque-merveilleux
le drôle de
vieil hommeauballon siffle
au petit large
et bettyetisbel viennent en dansant
des marelles et des cordes à sauter et
c’est
le printemps
et
l’hommeauballon
au pied de chèvre siffle
au
petit
large
in Just-
spring when the world is mud-
luscious the little
lame balloonman
whistles far and wee
and eddieandbill come
running from marbles and
piracies and it's
spring
when the world is puddle-wonderful
the queer
old balloonman whistles
far and wee
and bettyandisbel come dancing
from hop-scotch and jump-rope and
it's
spring
and
the
goat-footed
balloonMan whistles
far
and
wee
printemps quand le monde est boue-
délicieux le petit
hommeauballon boiteux
siffle au petit large
et eddieetbill arrivent
en courant des billes et
des pirates et c’est le
printemps
quand le monde est flaque-merveilleux
le drôle de
vieil hommeauballon siffle
au petit large
et bettyetisbel viennent en dansant
des marelles et des cordes à sauter et
c’est
le printemps
et
l’hommeauballon
au pied de chèvre siffle
au
petit
large
in Just-
spring when the world is mud-
luscious the little
lame balloonman
whistles far and wee
and eddieandbill come
running from marbles and
piracies and it's
spring
when the world is puddle-wonderful
the queer
old balloonman whistles
far and wee
and bettyandisbel come dancing
from hop-scotch and jump-rope and
it's
spring
and
the
goat-footed
balloonMan whistles
far
and
wee
Libellés :
anglais,
EE Cummings (1894-1962)
samedi 15 mars 2014
Bukowski - les âmes des animaux morts
les âmes des animaux morts
après l’abattoir
il y avait un bar au coin de la rue
et je m’y asseyais
et regardais le soleil se coucher
à travers la fenêtre,
fenêtre qui dominait un terrain
plein de hautes herbes sêches.
je ne me douchais jamais avec les autres à
l’usine
après le travail
alors je sentais la sueur et
le sang.
l’odeur de la sueur diminue après un
moment
mais alors celle du sang fulmine
et prend de l’importance.
je fumais des cigarettes et buvais des bières
jusqu’à ce que je me sente assez bien pour
monter dans le bus
avec les âmes de tous ces animaux
morts à côté de
moi ;
des têtes se tournaient à peine
des femmes se levaient et s’éloignaient de
moi.
quand je descendais du bus
je n’avais qu’un pâté de maison
et un escalier jusqu’à ma
chambre
où j’allumais la radio et
une cigarette
et où personne ne faisait plus attention
à moi.
the souls of dead animals
after the slaughterhouse
there was a bar around the corner
and I sat in there
and watched the sun go down
through the window,
a window that overlooked a lot
full of tall dry weeds.
I never showered with the boys at the
plant
after work
so I smelled of sweat and
blood.
the smell of sweat lessens after a
while
but the blood-smell begins to fulminate
and gain power.
I smoked cigarettes and drank beer
until I felt good enough to
board the bus
with the souls of all those dead
animals riding with
me;
heads would turn slightly
women would rise and move away from
me.
when I got off the bus
I only had a block to walk
and one stairway up to my
room
where I'd turn on my radio and
light a cigarette
and nobody minded me
at all.
après l’abattoir
il y avait un bar au coin de la rue
et je m’y asseyais
et regardais le soleil se coucher
à travers la fenêtre,
fenêtre qui dominait un terrain
plein de hautes herbes sêches.
je ne me douchais jamais avec les autres à
l’usine
après le travail
alors je sentais la sueur et
le sang.
l’odeur de la sueur diminue après un
moment
mais alors celle du sang fulmine
et prend de l’importance.
je fumais des cigarettes et buvais des bières
jusqu’à ce que je me sente assez bien pour
monter dans le bus
avec les âmes de tous ces animaux
morts à côté de
moi ;
des têtes se tournaient à peine
des femmes se levaient et s’éloignaient de
moi.
quand je descendais du bus
je n’avais qu’un pâté de maison
et un escalier jusqu’à ma
chambre
où j’allumais la radio et
une cigarette
et où personne ne faisait plus attention
à moi.
the souls of dead animals
after the slaughterhouse
there was a bar around the corner
and I sat in there
and watched the sun go down
through the window,
a window that overlooked a lot
full of tall dry weeds.
I never showered with the boys at the
plant
after work
so I smelled of sweat and
blood.
the smell of sweat lessens after a
while
but the blood-smell begins to fulminate
and gain power.
I smoked cigarettes and drank beer
until I felt good enough to
board the bus
with the souls of all those dead
animals riding with
me;
heads would turn slightly
women would rise and move away from
me.
when I got off the bus
I only had a block to walk
and one stairway up to my
room
where I'd turn on my radio and
light a cigarette
and nobody minded me
at all.
Libellés :
anglais,
Charles Bukowski (1920-1994)
Bukowski - Poème tard la nuit
on dit que
rien ne se perd:
c'est soit cela
ou
tout.
dark night poem
they say that
nothing is wasted:
either that
or
it all is.
rien ne se perd:
c'est soit cela
ou
tout.
dark night poem
they say that
nothing is wasted:
either that
or
it all is.
Libellés :
anglais,
Charles Bukowski (1920-1994)
Yu Jian - 74
Le soleil d’automne traverse le plateau près de Kunming
Brille sur la faculté de Mudan
Comme tous les jours la rue Qingyun le lac Cuihu se cachent dans les futaies
Sous les branches
Employés et étudiants en congé sont désoeuvrés
Mais parmi eux pas de Mudan
Pas plus que
Dans les stations loin de Kunming
秋天的阳光越过昆明附近的高原
照耀着穆旦的大学
青云街和翠湖依旧遮蔽在乔木之中
在树枝下 避暑的职工和学者同样空虚
在他们中间没有穆旦其人
在昆明以远的各站
也没有
Brille sur la faculté de Mudan
Comme tous les jours la rue Qingyun le lac Cuihu se cachent dans les futaies
Sous les branches
Employés et étudiants en congé sont désoeuvrés
Mais parmi eux pas de Mudan
Pas plus que
Dans les stations loin de Kunming
秋天的阳光越过昆明附近的高原
照耀着穆旦的大学
青云街和翠湖依旧遮蔽在乔木之中
在树枝下 避暑的职工和学者同样空虚
在他们中间没有穆旦其人
在昆明以远的各站
也没有
Libellés :
chinois (moderne),
Yu Jian 于坚 (1954-)
Yu Jian - 73
Dans l’espace industriel le poumon d’autrefois hurle
Les fausses dents toujours neuves du peuple
Rongent bloc à bloc
Ce qui reste de ses lobes
Et Ronsard sur une table d’opération en métal
Attend l’ablation définitive
Dans la cuisine lyrique un poème mijote
Des gens de talent, délicatement, lui ajoutent des adjectifs
Comme on ajoute du glutamate
Puis comme une hotte grand public
Respirent profondément
古代的肺在工业的天空尖叫
它被人民日异月新的假牙
一立方一立方地咬穿
在剩余的肺叶内部
杜甫在金属的手术台上
等候一次性切除
诗歌在抒情的厨房里烹制
才子们娴熟地应用形容词
就象应用味精
然后象流行的抽油烟机那样
深度呼吸
Les fausses dents toujours neuves du peuple
Rongent bloc à bloc
Ce qui reste de ses lobes
Et Ronsard sur une table d’opération en métal
Attend l’ablation définitive
Dans la cuisine lyrique un poème mijote
Des gens de talent, délicatement, lui ajoutent des adjectifs
Comme on ajoute du glutamate
Puis comme une hotte grand public
Respirent profondément
古代的肺在工业的天空尖叫
它被人民日异月新的假牙
一立方一立方地咬穿
在剩余的肺叶内部
杜甫在金属的手术台上
等候一次性切除
诗歌在抒情的厨房里烹制
才子们娴熟地应用形容词
就象应用味精
然后象流行的抽油烟机那样
深度呼吸
Libellés :
chinois (moderne),
Yu Jian 于坚 (1954-)
Yu Jian - 72
La panthère noire
Comme une pierre noire
Dissimule dans l’ombre
Deux diamants verts
Derrière la rambarde la foule brillante
L’encercle
Lui jette des épluchures
Lui crache dessus
Imperturbable
Elle méprise la civilisation
Comme un diamant dans l’ombre
Dédaigne le cou d’une reine
黑豹子
犹如黑色石头
在黑暗之中
蕴藉着两颗绿钻石
灿烂的人群在铁栅外面
围住它
向它投掷果皮 向它啐
它一动不动
对人类的文明不屑一顾
犹如黑暗中的钻石
拒绝着女王的胸脯
Comme une pierre noire
Dissimule dans l’ombre
Deux diamants verts
Derrière la rambarde la foule brillante
L’encercle
Lui jette des épluchures
Lui crache dessus
Imperturbable
Elle méprise la civilisation
Comme un diamant dans l’ombre
Dédaigne le cou d’une reine
黑豹子
犹如黑色石头
在黑暗之中
蕴藉着两颗绿钻石
灿烂的人群在铁栅外面
围住它
向它投掷果皮 向它啐
它一动不动
对人类的文明不屑一顾
犹如黑暗中的钻石
拒绝着女王的胸脯
Libellés :
chinois (moderne),
Yu Jian 于坚 (1954-)
samedi 8 mars 2014
Bukowski - un poème est une ville
un poème est une ville
un poème est une ville pleine de rues et d’égouts,
pleine de saints, de héros, de mendiants et de fous,
pleine de banalités et de biture,
pleine de pluie et de tonnerre et de périodes de
sécheresse, un poème est une ville en guerre,
un poème est une ville qui interroge l’horloge,
un poème est une ville en flammes,
un poème est une ville en armes
aux salons de coiffures remplis d’ivrognes désabusés,
un poème est une ville où Dieu chevauche nu
à travers les rues comme lady Godiva,
où les chiens aboient la nuit, et courent après
le drapeau, un poème est une ville de poètes,
qui se ressemblent tous
et sont jaloux et aigris…
un poème c’est cette ville maintenant,
à 50 kilomètres de nulle part,
à 9h09 du matin,
l’odeur d’alcool et de cigarettes,
pas de police, pas d’amoureux, dans les rues,
ce poème, cette ville, qui ferme ses portes,
barricadé, presque vide,
sans larmes s’attristant, sans pitié vieillissant,
les montagnes de granite
l’océan comme une flamme lavande,
une lune déchue
et la petite musique des carreaux cassés…
un poème est une ville, un poème est une nation,
un poème c’est le monde…
et maintenant je mets tout ceci sous verre
pour qu’un éditeur dément l’examine
et la nuit est ailleurs
et des dames grises et floues font la queue,
les chiens suivent les chiens vers l’estuaire,
les trompettes annoncent le supplice
tandis que les petites gens s’énervent sur des choses
qui leur résistent.
a poem is a city
a poem is a city filled with streets and sewers
filled with saints, heroes, beggars, madmen,
filled with banality and booze,
filled with rain and thunder and periods of
drought, a poem is a city at war,
a poem is a city asking a clock why,
a poem is a city burning,
a poem is a city under guns
its barbershops filled with cynical drunks,
a poem is a city where God rides naked
through the streets like Lady Godiva,
where dogs bark at night, and chase away
the flag; a poem is a city of poets,
most of them quite similar
and envious and bitter …
a poem is this city now,
50 miles from nowhere,
9:09 in the morning,
the taste of liquor and cigarettes,
no police, no lovers, walking the streets,
this poem, this city, closing its doors,
barricaded, almost empty,
mournful without tears, aging without pity,
the hardrock mountains,
the ocean like a lavender flame,
a moon destitute of greatness,
a small music from broken windows …
a poem is a city, a poem is a nation,
a poem is the world …
and now I stick this under glass
for the mad editor’s scrutiny,
and night is elsewhere
and faint gray ladies stand in line,
dog follows dog to estuary,
the trumpets bring on gallows
as small men rant at things
they cannot do.
Libellés :
anglais,
Charles Bukowski (1920-1994)
mercredi 5 mars 2014
Padgett - Mesdames et messieurs dans l'espace
Mesdames et messieurs, dans l’espace
Voici ma philosophie:
tout change (le mot « tout »
vient de changer, comme le
mot « change », qui veut maintenant
dire « inchangé ») si
vite que cela dépasse littéralement l’entendement,
le laisse loin derrière
comme certaines des immenses
idées de ce domaine.
Je n’ai pas de début et n’aurai pas
de fin : un rayon lumineux
s’étend avant et derrière
et je ne cuis mes légumes
que quelques minutes,
le moins possible. On beurre
et c’est prêt. Voici ma
philosophie : on beurre et c’est prêt.
Ladies and Gentlemen in Outer Space
Here is my philosophy:
Everything changes (the word "everything"
has just changed as the
word "change" has: it now
means "no change") so
quickly that it literally surpasses my belief,
charges right past it
like some of the giant
ideas in this area.
I had no beginning and I shall have
no end: the beam of light
stretches out before and behind
and I cook the vegetables
for a few minutes only,
the fewer the better. Butter
and serve. Here is my
philosophy: butter and serve.
Voici ma philosophie:
tout change (le mot « tout »
vient de changer, comme le
mot « change », qui veut maintenant
dire « inchangé ») si
vite que cela dépasse littéralement l’entendement,
le laisse loin derrière
comme certaines des immenses
idées de ce domaine.
Je n’ai pas de début et n’aurai pas
de fin : un rayon lumineux
s’étend avant et derrière
et je ne cuis mes légumes
que quelques minutes,
le moins possible. On beurre
et c’est prêt. Voici ma
philosophie : on beurre et c’est prêt.
Ladies and Gentlemen in Outer Space
Here is my philosophy:
Everything changes (the word "everything"
has just changed as the
word "change" has: it now
means "no change") so
quickly that it literally surpasses my belief,
charges right past it
like some of the giant
ideas in this area.
I had no beginning and I shall have
no end: the beam of light
stretches out before and behind
and I cook the vegetables
for a few minutes only,
the fewer the better. Butter
and serve. Here is my
philosophy: butter and serve.
Libellés :
anglais,
Ron Padgett (1942-)
Yu Jian - 11
Une lettre
Venue d’un pays où l’on écrit l’anglais
Extraite d’un amas de plumes victoriennes
A la manière d’un oiseau
Est entrée dans un bureau de poste
A flâné dans Rome en automne
A évité les glaciales Russie et Pologne
A traversé l’étincelante Egypte
Et l’Inde vers l’Est
Puis un soir sous administration chinoise
Est arrivée dans un autre bureau de poste
Un postier
Tombé du ciel
M’a donné cette plume blanche
Une lettre
Qui a parcouru mille lieues
Pas pour m’expliquer « Ulysse »
Mais pour me dire
Que mes mots
Par quelqu’un
Ont été compris
一封信
从用英语写作的某地
一大群维多利亚时代的羽毛中脱离出来
以鸟类姿势 进入邮政局
漂过秋天中的罗马
绕过冰雪的俄国和波兰
横越阳光灿烂的埃及 从印度往东
在汉语管辖的黄昏
抵达另一个邮政局
邮递员 从天空中落下来
把这根白色的羽毛递给我
一封信 千里迢迢
不是向我解释《尤利西斯》
只为了告诉我
我的字 有一个人
看懂了
Venue d’un pays où l’on écrit l’anglais
Extraite d’un amas de plumes victoriennes
A la manière d’un oiseau
Est entrée dans un bureau de poste
A flâné dans Rome en automne
A évité les glaciales Russie et Pologne
A traversé l’étincelante Egypte
Et l’Inde vers l’Est
Puis un soir sous administration chinoise
Est arrivée dans un autre bureau de poste
Un postier
Tombé du ciel
M’a donné cette plume blanche
Une lettre
Qui a parcouru mille lieues
Pas pour m’expliquer « Ulysse »
Mais pour me dire
Que mes mots
Par quelqu’un
Ont été compris
一封信
从用英语写作的某地
一大群维多利亚时代的羽毛中脱离出来
以鸟类姿势 进入邮政局
漂过秋天中的罗马
绕过冰雪的俄国和波兰
横越阳光灿烂的埃及 从印度往东
在汉语管辖的黄昏
抵达另一个邮政局
邮递员 从天空中落下来
把这根白色的羽毛递给我
一封信 千里迢迢
不是向我解释《尤利西斯》
只为了告诉我
我的字 有一个人
看懂了
Libellés :
chinois (moderne),
Yu Jian 于坚 (1954-)
Bukowski - Seul avec tous
Seul avec tous
la chair couvre les os
et l’on met un esprit
dedans et
parfois une âme,
et les femmes brisent
des vases contre les murs
et les hommes boivent
trop
et personne ne trouve le
bon
mais continue
à chercher
rampant d’un lit
à l’autre.
la chair couvre
les os et la
chair recherche
autre chose que
la chair.
ça ne sert
à rien :
nous sommes tous prisonniers
d’un destin
singulier.
personne jamais ne trouve
le bon.
les poubelles se remplissent
les décharges se remplissent
les asiles se remplissent
les hôpitaux se remplissent
les cimetières se remplissent
rien d’autre
ne se remplit
Alone With Everybody
the flesh covers the bone
and they put a mind
in there and
sometimes a soul,
and the women break
vases against the walls
and the men drink too
much
and nobody finds the
one
but keep
looking
crawling in and out
of beds.
flesh covers
the bone and the
flesh searches
for more than
flesh.
there's no chance
at all:
we are all trapped
by a singular
fate.
nobody ever finds
the one.
the city dumps fill
the junkyards fill
the madhouses fill
the hospitals fill
the graveyards fill
nothing else
fills.
la chair couvre les os
et l’on met un esprit
dedans et
parfois une âme,
et les femmes brisent
des vases contre les murs
et les hommes boivent
trop
et personne ne trouve le
bon
mais continue
à chercher
rampant d’un lit
à l’autre.
la chair couvre
les os et la
chair recherche
autre chose que
la chair.
ça ne sert
à rien :
nous sommes tous prisonniers
d’un destin
singulier.
personne jamais ne trouve
le bon.
les poubelles se remplissent
les décharges se remplissent
les asiles se remplissent
les hôpitaux se remplissent
les cimetières se remplissent
rien d’autre
ne se remplit
Alone With Everybody
the flesh covers the bone
and they put a mind
in there and
sometimes a soul,
and the women break
vases against the walls
and the men drink too
much
and nobody finds the
one
but keep
looking
crawling in and out
of beds.
flesh covers
the bone and the
flesh searches
for more than
flesh.
there's no chance
at all:
we are all trapped
by a singular
fate.
nobody ever finds
the one.
the city dumps fill
the junkyards fill
the madhouses fill
the hospitals fill
the graveyards fill
nothing else
fills.
Libellés :
anglais,
Charles Bukowski (1920-1994)
mardi 4 mars 2014
Yu Jian - 13
Je vois une rose
Cela veut dire
Que je vois une rose
Sur sa tige
Je vois une rose
Cela veut dire
Que ce n’est pas une demoiselle
Dans son boudoir
Ce sont deux idées
Complètement distinctes
Quand tu vois une rose
Ce que tu vois c’est une rose
Quand tu vois une demoiselle
Ce que tu vois ce sont
Deux seins tout ronds
Ou bien une épaule tout aussi émouvante
Il n’y a que les yeux d’un agrégé de lettres
Pour regarder sans le voir un sein
Pour regarder sans la voir l’épaule d’une jeune fille
Pour prendre une demoiselle sur le boulevard un jour d’été
Pour une rose et ses épines
我看见一朵玫瑰
就是说
我看见一朵玫瑰
在它的枝上
我看见一朵玫瑰
就是说
那不是一个姑娘
在她的闺房里
这是完全不同的
两种看法
当你看见一朵玫瑰
你看见的就是一朵玫瑰
当你看见一位姑娘
你看见的是
两只圆滚滚的乳房
或者同样令人激动脖子
只有中文系毕业的眼睛
才会对乳房视而不见
才会对少女的脖子视而不见
才会把夏日大街上的姑娘啊
看成一朵有刺玫瑰
Cela veut dire
Que je vois une rose
Sur sa tige
Je vois une rose
Cela veut dire
Que ce n’est pas une demoiselle
Dans son boudoir
Ce sont deux idées
Complètement distinctes
Quand tu vois une rose
Ce que tu vois c’est une rose
Quand tu vois une demoiselle
Ce que tu vois ce sont
Deux seins tout ronds
Ou bien une épaule tout aussi émouvante
Il n’y a que les yeux d’un agrégé de lettres
Pour regarder sans le voir un sein
Pour regarder sans la voir l’épaule d’une jeune fille
Pour prendre une demoiselle sur le boulevard un jour d’été
Pour une rose et ses épines
我看见一朵玫瑰
就是说
我看见一朵玫瑰
在它的枝上
我看见一朵玫瑰
就是说
那不是一个姑娘
在她的闺房里
这是完全不同的
两种看法
当你看见一朵玫瑰
你看见的就是一朵玫瑰
当你看见一位姑娘
你看见的是
两只圆滚滚的乳房
或者同样令人激动脖子
只有中文系毕业的眼睛
才会对乳房视而不见
才会对少女的脖子视而不见
才会把夏日大街上的姑娘啊
看成一朵有刺玫瑰
Libellés :
chinois (moderne),
Yu Jian 于坚 (1954-)
dimanche 2 mars 2014
Ferlinghetti - Le marchand de bonbons
Le Marchand de bonbons au delà du El
C’est chez le marchand de bonbons au delà du El
que pour la première fois
je tombais amoureux
de l’irréel
Les fraises tagada brillaient dans la pénombre
de cet après-midi de septembre
Sur le comptoir un chat se déplaçait parmi
les bâtons de réglisse
et les carambars
et les malabars
Dehors les feuilles tombaient et mouraient
Le vent avait chassé le soleil
Une fille est entrée
les cheveux pluvieux
les seins essoufflés dans la petite pièce
Dehors les feuilles tombaient
et criaient
Pas maintenant ! Pas maintenant !
The Pennycandystore Beyond The El
The pennycandystore beyond the El
is where i first
fell in love
with unreality
Jellybeans glowed in the semi-gloom
of that september afternoon
A cat upon the counter moved among
the licorice sticks
and tootsie rolls
and Oh Boy Gum
Outside the leaves were falling as they died
A wind had blown away the sun
A girl ran in
Her hair was rainy
Her breasts were breathless in the little room
Outside the leaves were falling
and they cried
Too soon! too soon!
C’est chez le marchand de bonbons au delà du El
que pour la première fois
je tombais amoureux
de l’irréel
Les fraises tagada brillaient dans la pénombre
de cet après-midi de septembre
Sur le comptoir un chat se déplaçait parmi
les bâtons de réglisse
et les carambars
et les malabars
Dehors les feuilles tombaient et mouraient
Le vent avait chassé le soleil
Une fille est entrée
les cheveux pluvieux
les seins essoufflés dans la petite pièce
Dehors les feuilles tombaient
et criaient
Pas maintenant ! Pas maintenant !
The Pennycandystore Beyond The El
The pennycandystore beyond the El
is where i first
fell in love
with unreality
Jellybeans glowed in the semi-gloom
of that september afternoon
A cat upon the counter moved among
the licorice sticks
and tootsie rolls
and Oh Boy Gum
Outside the leaves were falling as they died
A wind had blown away the sun
A girl ran in
Her hair was rainy
Her breasts were breathless in the little room
Outside the leaves were falling
and they cried
Too soon! too soon!
Libellés :
anglais,
Lawrence Ferlighetti (1919-)
samedi 1 mars 2014
Haizi - Le vieillard enlève la jeune fille
Soleil – La terre
« Quand la terre sera morte,
L’espoir pourra-t-il la remplacer ? »
(Août 1987)
Janvier, hiver
Le vieillard enlève la jeune fille
Vieillard de désir, vieillard de mort
Dans la forêt, ancienne idole
Vieillard dans les relents d’alcool
Vieillard de désir, vieillard de mort
Toujours ivre
Et affamé
Bain de sang, fleur sacrée
Lui, fleur sacrée
Eclose dans la plaine millénaire
Et moi, fils du silence et de la paix
Réunis ici
Vieillard de désir, vieillard de mort
Une rivière surhumaine
Bain de sang, fleur sacrée
Vieillard dans la forêt
Vieillard de mort, vieillard de désir, à la treille s’abreuvant
Tiré d’une jarre grise, par-delà l’espoir
Au visage de désir et de mort
Comme un paisible village
Fleur sacrée, telle un bain de sang
Lui toujours ivre
Et affamé
Pressés par le vieillard des hautes plaines
Les génies de la lune, interminablement, écopent
Ecopent seulement, tissent le clair de lune
(Avec les tibias de la jeune fille)
Vieillard de désir, vieillard de mort
Deux mains tendues dans le ciel des hautes plaines
Deux cornes tordues de la lune
Peuplées de lutins, comme un automne désolé
Automne, où les génies ne peuvent naviguer
Dans les larmes, deux cornes tordues du croissant de lune
Chants de l’automne qui roulent dans leurs yeux
Comme au royaume des cieux, sur la rive déserte
Vieillard de désir, vieillard de mort
Dans la plaine détroussant les voyageurs
Troupeau de buffles déferlant sur la rivière des richesses, désespérée
Lune, bouquet de démons
Vieillard de désir, vieillard de mort
Dans la forêt, ce midi
Le vieillard ivre a arrêté la jeune fille
Cette jeune fille, c’est moi
L’enfant de la plaine du silence et de la paix
L’amoureux dans un poème qui vit et meurt sous la lune
Le vieillard de désir, vieillard de mort
Qui chancelle comme un jardin ivre
A tendu les mains et arrêté la vierge
J’ai tant voulu crier :
Génies de la lune, sœurs heureuses
Où êtes-vous ?
Mais il est des voix que les génies ne chantent pas
Humanité, vierge comme la neige
Humanité, terreur originelle
A l’aube
A l’heure des oiseaux mouches
Dans le silence des génies
Je fus brisé comme la plaine
Les herbes du lac enlacent mes genoux
Ma langue est comme un enfant taciturne
Dans cette vallée douloureuse
Sur cette plaine dorée
Le vieillard de désir, le vieillard de mort
M’a prise de force --
Humanité vierge, qui pleure sans larmes
Là- bas, ils écopent dans l’automne loin du monde
Ecopent avec les tibias de la jeune fille
Dans le croissant chancelant de la lune, peuplée de génies amers
Mon destin, sans soutien, chancelle dans le soir
Etoiles, larmes suspendues dans le lointain
Larmes, mes sœurs, roulant vers la rivière
Aube, d’une tristesse sans fin
Derrière la lune, verse l’eau de la terre
Enterrez-moi dans la vallée après l’automne
Enterrez-moi dans cet automne loin du monde
Que la vallée, le soir, ressemble à la dépouille du prince,
Dépouille de ce jeune prince à jamais sur mon corps
Ce soir et cette nuit sur mon visage
Je suis la jeune fille de la mort et de la vie éternelle
Enterrez les génies de la lune au jardin originel
Vieillard de désir, vieillard de mort
Ivre, affamé, jardin qui chancelle
Je suis la jeune fille du jardin de la mort et de la vie éternelle.
情欲老人,死亡老人
在森林中,你这古老神祗
一位酒气熏天的老人
情欲老人,死亡老人
他又醉
又饿
像血泊,像大神的花朵
他这大神的花朵
生长与草原的千年经历
我这和平与宁静的儿子
同在这里
情欲老人,死亡老人
一条超于人类的河流
像血泊,像大神的花朵
森林中这老人
死亡老人,情欲老人,啜饮葡萄藤
他来自灰色的瓮、愿望之外
他情欲和死亡的面容
如和平的村庄
血泊一样大神的花朵
他又醉
又饿
在这位高原老人的压迫下
月亮的众神,一如既往在戽水
只有戽水,纺织月光
(用少女的胫骨)
情欲老人,死亡老人
伸出双手高原的天空
月亮的两角弯曲
坐满神仙如愁苦的秋天
秋天,不能航渡众神的秋天
泪水中新月的双角弯曲
秋天的歌滚动诸神的眼眶
仿佛是在天国,在空虚的湖岸
情欲老人,死亡老人
在这草原上拦劫众人
一条无望的财富之河上众牛滚滚
月亮如魔鬼的花束
情欲老人,死亡老人
在这中午的森林
喝醉的老人拦住了少女
那少女本是我
草原和平与宁静之子
一个月光下自生自灭的诗中情侣
情欲老人,死亡老人
如醉中的花园倾斜
伸出双手拦住了处女
我多想喊:
月亮的众神、幸福的姐妹
你们在何方?
有歌声众神难唱
人类处女如雪
人类原始的恐惧
在黎明
在蜂鸟时光
在众神沉默中
我像草原断裂
湖泊上青藤绕膝
我的舌头完全像寂静之子。
在这无辜的山谷
在这黄金草原上
情欲老人,死亡老人
强行占有了我——
人类的处女欲哭无泪
戽水者阻隔在与世隔绝的秋天
戽水用少女的胫骨
月亮的双角倾斜,坐满沉痛的众神
我无所依傍的生涯倾斜在黄昏
星辰泪珠悬挂天涯
众泪水姐妹滚滚入河流
黎明凄厉无边
月亮的后奔赴人间的水
请把我埋入秋天以后的山谷
埋入与世隔绝的秋天
让黄昏的山谷像王子的尸首
青年王子的尸首永远坐在我身上
黄昏和夜晚坐在我脸上
我就是死亡和永生的少女
叫月亮众神埋入原型的果园
情欲老人,死亡老人
又醉又饿,果园倾斜
我就是死亡和永生的果园少女
« Quand la terre sera morte,
L’espoir pourra-t-il la remplacer ? »
(Août 1987)
Janvier, hiver
Le vieillard enlève la jeune fille
Vieillard de désir, vieillard de mort
Dans la forêt, ancienne idole
Vieillard dans les relents d’alcool
Vieillard de désir, vieillard de mort
Toujours ivre
Et affamé
Bain de sang, fleur sacrée
Lui, fleur sacrée
Eclose dans la plaine millénaire
Et moi, fils du silence et de la paix
Réunis ici
Vieillard de désir, vieillard de mort
Une rivière surhumaine
Bain de sang, fleur sacrée
Vieillard dans la forêt
Vieillard de mort, vieillard de désir, à la treille s’abreuvant
Tiré d’une jarre grise, par-delà l’espoir
Au visage de désir et de mort
Comme un paisible village
Fleur sacrée, telle un bain de sang
Lui toujours ivre
Et affamé
Pressés par le vieillard des hautes plaines
Les génies de la lune, interminablement, écopent
Ecopent seulement, tissent le clair de lune
(Avec les tibias de la jeune fille)
Vieillard de désir, vieillard de mort
Deux mains tendues dans le ciel des hautes plaines
Deux cornes tordues de la lune
Peuplées de lutins, comme un automne désolé
Automne, où les génies ne peuvent naviguer
Dans les larmes, deux cornes tordues du croissant de lune
Chants de l’automne qui roulent dans leurs yeux
Comme au royaume des cieux, sur la rive déserte
Vieillard de désir, vieillard de mort
Dans la plaine détroussant les voyageurs
Troupeau de buffles déferlant sur la rivière des richesses, désespérée
Lune, bouquet de démons
Vieillard de désir, vieillard de mort
Dans la forêt, ce midi
Le vieillard ivre a arrêté la jeune fille
Cette jeune fille, c’est moi
L’enfant de la plaine du silence et de la paix
L’amoureux dans un poème qui vit et meurt sous la lune
Le vieillard de désir, vieillard de mort
Qui chancelle comme un jardin ivre
A tendu les mains et arrêté la vierge
J’ai tant voulu crier :
Génies de la lune, sœurs heureuses
Où êtes-vous ?
Mais il est des voix que les génies ne chantent pas
Humanité, vierge comme la neige
Humanité, terreur originelle
A l’aube
A l’heure des oiseaux mouches
Dans le silence des génies
Je fus brisé comme la plaine
Les herbes du lac enlacent mes genoux
Ma langue est comme un enfant taciturne
Dans cette vallée douloureuse
Sur cette plaine dorée
Le vieillard de désir, le vieillard de mort
M’a prise de force --
Humanité vierge, qui pleure sans larmes
Là- bas, ils écopent dans l’automne loin du monde
Ecopent avec les tibias de la jeune fille
Dans le croissant chancelant de la lune, peuplée de génies amers
Mon destin, sans soutien, chancelle dans le soir
Etoiles, larmes suspendues dans le lointain
Larmes, mes sœurs, roulant vers la rivière
Aube, d’une tristesse sans fin
Derrière la lune, verse l’eau de la terre
Enterrez-moi dans la vallée après l’automne
Enterrez-moi dans cet automne loin du monde
Que la vallée, le soir, ressemble à la dépouille du prince,
Dépouille de ce jeune prince à jamais sur mon corps
Ce soir et cette nuit sur mon visage
Je suis la jeune fille de la mort et de la vie éternelle
Enterrez les génies de la lune au jardin originel
Vieillard de désir, vieillard de mort
Ivre, affamé, jardin qui chancelle
Je suis la jeune fille du jardin de la mort et de la vie éternelle.
情欲老人,死亡老人
在森林中,你这古老神祗
一位酒气熏天的老人
情欲老人,死亡老人
他又醉
又饿
像血泊,像大神的花朵
他这大神的花朵
生长与草原的千年经历
我这和平与宁静的儿子
同在这里
情欲老人,死亡老人
一条超于人类的河流
像血泊,像大神的花朵
森林中这老人
死亡老人,情欲老人,啜饮葡萄藤
他来自灰色的瓮、愿望之外
他情欲和死亡的面容
如和平的村庄
血泊一样大神的花朵
他又醉
又饿
在这位高原老人的压迫下
月亮的众神,一如既往在戽水
只有戽水,纺织月光
(用少女的胫骨)
情欲老人,死亡老人
伸出双手高原的天空
月亮的两角弯曲
坐满神仙如愁苦的秋天
秋天,不能航渡众神的秋天
泪水中新月的双角弯曲
秋天的歌滚动诸神的眼眶
仿佛是在天国,在空虚的湖岸
情欲老人,死亡老人
在这草原上拦劫众人
一条无望的财富之河上众牛滚滚
月亮如魔鬼的花束
情欲老人,死亡老人
在这中午的森林
喝醉的老人拦住了少女
那少女本是我
草原和平与宁静之子
一个月光下自生自灭的诗中情侣
情欲老人,死亡老人
如醉中的花园倾斜
伸出双手拦住了处女
我多想喊:
月亮的众神、幸福的姐妹
你们在何方?
有歌声众神难唱
人类处女如雪
人类原始的恐惧
在黎明
在蜂鸟时光
在众神沉默中
我像草原断裂
湖泊上青藤绕膝
我的舌头完全像寂静之子。
在这无辜的山谷
在这黄金草原上
情欲老人,死亡老人
强行占有了我——
人类的处女欲哭无泪
戽水者阻隔在与世隔绝的秋天
戽水用少女的胫骨
月亮的双角倾斜,坐满沉痛的众神
我无所依傍的生涯倾斜在黄昏
星辰泪珠悬挂天涯
众泪水姐妹滚滚入河流
黎明凄厉无边
月亮的后奔赴人间的水
请把我埋入秋天以后的山谷
埋入与世隔绝的秋天
让黄昏的山谷像王子的尸首
青年王子的尸首永远坐在我身上
黄昏和夜晚坐在我脸上
我就是死亡和永生的少女
叫月亮众神埋入原型的果园
情欲老人,死亡老人
又醉又饿,果园倾斜
我就是死亡和永生的果园少女
Libellés :
chinois (moderne),
Haizi 海子 (1964-1989)
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