vendredi 28 février 2014

Robert Frost - En réparant le mur

En réparant le mur

Il y a quelque chose qui n’aime pas les murs,
Et envoie par dessous le sol gelé qui gonfle
Et répand au soleil les moellons du dessus
En laissant une brèche où deux passent de front.
Le travail des chasseurs est d’une autre nature :
Après qu’ils sont partis, j’ai souvent réparé
Quand il ne restait plus une pierre sur l’autre,
Mais qu’ils avaient pourtant débusqué le lapin
Et satisfait leurs chiens. Les brèches dont je parle,
Personne ne les a vues ni entendues faire,
Mais au printemps, quand on répare, elles sont là.
Je préviens mon voisin derrière la colline
Et nous nous retrouvons, un jour, sur cette ligne
Où nous allons remettre le mur entre nous.
Chemin faisant, nous gardons le mur entre nous,
A chacun les cailloux tombés de son côté.
Certains sont des boulets, si parfaitement ronds
Qu’il faut un sort pour les garder en équilibre :
‘Restez comme cela tant que l’on vous regarde !’
On s’abîme les doigts à les manipuler.
Oh, c’est uniquement un loisir de plein air,
Chacun de son côté, ça ne va pas plus loin.
Situé comme il est, le mur ne sert à rien :
Chez lui, c’est tout en pins, et chez moi en pommiers
Mes arbres n’oseront jamais s’aventurer
A manger les pommes de ses pins, je lui dis.
Il me répond : ‘les bons murs font les bons amis’.
Le printemps m’a rendu espiègle, et je voudrais
Voir si je peux lui inculquer quelques idées.
« Pourquoi font-ils les bons amis, n’est-ce pas là
Où il y a des vaches ? Pas de vaches ici.
Avant de construire un mur, j’aimerais savoir
Ce que je dois garder dehors ou bien dedans,
A qui je risquerais de porter préjudice.
Il y a quelque chose qui n’aime pas les murs,
Qui voudrait les abattre. » Je dirais ‘des lutins‘
Mais ce n’est pas exact, et je préfèrerais
Qu’il le dise lui-même. Il est là, devant moi,
Une pierre fermement tenue par le sommet
Dans chaque main, comme un sauvage armé de pierres.
Il donne l’impression de marcher dans le noir,
Mais pas celui des bois, ni l’ombre des forêts.
Il n’ira pas plus loin que ce mot de son père
Et très content de l’avoir si bien exprimé
Il me redit : « les bons murs font les bons amis ».


Mending wall

Something there is that doesn't love a wall,
That sends the frozen-ground-swell under it,
And spills the upper boulders in the sun,
And makes gaps even two can pass abreast.
The work of hunters is another thing:
I have come after them and made repair
Where they have left not one stone on a stone,
But they would have the rabbit out of hiding,
To please the yelping dogs. The gaps I mean,
No one has seen them made or heard them made,
But at spring mending-time we find them there.
I let my neighbor know beyond the hill;
And on a day we meet to walk the line
And set the wall between us once again.
We keep the wall between us as we go.
To each the boulders that have fallen to each.
And some are loaves and some so nearly balls
We have to use a spell to make them balance:
'Stay where you are until our backs are turned!'
We wear our fingers rough with handling them.
Oh, just another kind of out-door game,
One on a side. It comes to little more:
There where it is we do not need the wall:
He is all pine and I am apple orchard.
My apple trees will never get across
And eat the cones under his pines, I tell him.
He only says, 'Good fences make good neighbors'.
Spring is the mischief in me, and I wonder
If I could put a notion in his head:
'Why do they make good neighbors? Isn't it
Where there are cows?
But here there are no cows.
Before I built a wall I'd ask to know
What I was walling in or walling out,
And to whom I was like to give offence.
Something there is that doesn't love a wall,
That wants it down.' I could say 'Elves' to him,
But it's not elves exactly, and I'd rather
He said it for himself. I see him there
Bringing a stone grasped firmly by the top
In each hand, like an old-stone savage armed.
He moves in darkness as it seems to me~
Not of woods only and the shade of trees.
He will not go behind his father's saying,
And he likes having thought of it so well
He says again, "Good fences make good neighbors."

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci beaucoup!

Ce poème m'est cher et il se faisait frustrant de ne pas pouvoir le partager avec des personnes qui ne parlent pas anglais, jusqu'à que je trouve cette super traduction.

Merci encore,

CM